© Pierre Tissot |
La coïncidence était trop bonne : figurez-vous qu'en 2019, 10 ans après la naissance du Paratge des Sirènes, le 1er mercredi du mois de mai tombait le Premier — Fête du travail. Une telle conjonction était donc propice à un anniversaire : celui des sirènes. Celui de notre Constellation, de notre Assemblée des Adorateurs de la Roue, qui, tels les douze signes du zodiaque, tourne à l'infini au rythme d'un archet cerclé.
En ce premier du mois de mai, je prenai donc la route vers Tourbes, y retrouver mes comparses.
Dépassant les ronds-points, où le jaune de la colère cédait momentanément le pas au blanc de l'innocence, je me repassai le film de cette décennie…
Se dire que cela fait dix ans que ça dure, c’est ouvrir la porte à une foule d’images, de sentiments, de sons, de souvenirs. Flot, fourmillement, multitude, feu d’artifice ; je me reprends, il faut s’organiser, sans quoi, tout va partir dans tous les sens. Par où commencer ?
Le Paratge des Sirènes, c’est d’abord un vœu : celui fait par deux compagnons, Bruno Priez et Jean-Brice Vietri, qui eurent l'idée de faire se rencontrer d’hypothétiques vielleux perdus dans le Grand Sud. D’aucuns auraient prédit que c’était comme péter dans l’azur, et pourtant… dix ans plus tard, nous sommes toujours là ! Pour le vielleur et pour le rire.
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un nom. Paratge mais qu’es aquo ? Ce mot affole les correcteurs orthographiques et les moteurs de recherches, qui nous proposent partage. Et bien soit, car c’est bien de cela qu’il s’agit, un partage autour d’un instrument peu commun, surtout sous nos latitudes méridionales. Le parage, en oïl, pendant du paratge d’oc, est pris dans le sens de : qualité d’une personne. Et c’est donc la conjugaison des qualités diverses qui donne l’émulsion ; je m’égare, revenons à ce nom. Que viennent faire les sirènes autour de ce navire ? Comme rapidement nos rencontres mensuelles se fixèrent sur le premier mercredi de chaque mois et, qu’en des temps pas si lointains, c’est en ce jour que les sirènes de France, voire de Navarre, étaient testées, nous ajoutâmes cette inspiration sonore en complément du nom. Joueurs, nous jouâmes sur les mots et ajoutâmes une pulpeuse vielleuse icthyomorphe.
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un lieu, ou plusieurs, car nous fûmes les hôtes de sept lieux ; jugez en plutôt : débutant par La Maison du Cœur de Ville d’Agde (1), nous sommes passés, toujours en la même ville, par La Galerie de la Perle Noire (2), La Maison des Métiers et du Tourisme (3), un ancien Salon de coiffure sis Rue de l’Amour — c’est pour le côté accroche-cœur (4) — et L’Atelier d’accordéon du Bruno (5). Puis, migration vers le piscénois (pourvu que la quantité soit copieuse), dans La Calandreta des Polinets (6), pour finir dans ce qui est aujourd’hui notre maison : Le Foyer rural de Tourbes (7) et son équipe de choc, liguée autour du Grand Jacques. Vous allez me dire qu’il ne faut pas pousser, mais il y a de l’Odyssée dans ce périple.
Le Paratge des Sirènes, c’est surtout des gens. Des gens qui viennent et s’en vont, des gens qui restent un temps et voguent plus loin, des gens qui s’en vont et qui reviennent (ces trucs-là sont faits de tout petits riens) et d’autres qui restent.
Par ordre d’apparition, il y a les parcours météoriques.
Philou, dont la présence ectoplasmique n'avait d'équivalents que ses commentaires ésotériques des premiers échos ; Marou partie chercher fortune ailleurs ; Lydie de la mesnie des Carcassès, aspirée comme tant d'autres par un diato ; Raphaël, Muriel, Nathalie, Xavier, Luc, dont l'énigmatique chiffonie n'en finissait pas d'interroger notre Bruno ; Christophe qui ne savait que faire de son cadeau d'anniversaire à roue ; Carina, du groupe Vagarem, qui me permit de rafraichir, le temps d'un Paratge, la langue de Goethe ; Raphaëlle, venue de loin, disparue et entraperçue au cour d'un stage avec Chabenat ; Yoyo, venue depuis l'Empire du Milieu en nos périphéries ; Zack le magicien, apparu, avant de disparaitre dans un étui de vielle ; Camiiiille, souvent retenue au bloc ; ou encore Flavia, dont des complications articulaires lui interdirent la fréquentation assidue de notre cercle.
J'en oublie, sans doute, mais il y en eu de mervielleux éphémères qui participèrent le temps d'une ou plusieurs sessions à la magie de nos rencontres.
Il y a ceux d'hier qui marquèrent de leur empreinte quelques années de cette décennie.
À tout seigneur, tout honneur : Bruno, dit La Bugne ! Notre Enée agathois, l'homme aux cents histoires (la chamane sortie de l'O.T, le médium en botte de pluie, Lulu la sétoise…) et aux vertigineux souvenirs, le déconstructeur, l'adepte de la roumègue, aux coups de poignet de derrière les fagots dont il aimait à partager le secret.
Christian, le Narbonnais de l'étape ! Avec sa gouaille et son rire caractéristique.
Marine, première présence féminine ! Qui, pour mémoire, en préparait un sur la vielle à roue, venant dans ce vivier glaner auprès des anciens des infos aussi bien sur le jeu que sur l'instrument.
Jean-Pierre, notre Jipépé ! Tenant de la traditionnelle école du Morvan, le classicisme des noires forêts et des étangs du pays Eduens, dont la moustache gauloise cachait un sourire, cependant que, ses sourcils froncés et l'œil sévère, il considérait les élucubrations gasconnes de garnements de la vielle à roue. La voix grondante et timbrée nous rappelait, tel un druide, la voie ancestrale du coup de chien.
Sergio, le pâtre grec, à la vielle d'azur ! Qui apportait toujours une touche rock and roll à nos abordages, qui jouait de la vielle debout — c'est peut être un détail pour vous, mais pour nous ça voulait dire beaucoup !
David, un jeune (à l'époque) ! Qui, pendant quelques années, fût d'une assiduité et d'une passion communicatives, toujours motivé quand il s'agissait de vielle, ô combien de "Grunchasko", combien de coups impairs ? Parti vers d'autres horizons bretons et viellistiques.
Sylvia, la mère poule de cette grande basse cour ! À l'instar de Jean-Pierre, elle représentait, elle aussi, la tradition — pensez donc, elle avait viellé sur les genoux de Gaston Rivière ! Un peu déboussolée par les déconstructions priezienne et autres fantasqueries viellirouiste, le granit de cette auvergnate n'en fut pas pour autant entamé — seul Pascal sut débusquer la pureté du jeu de chien qu'elle était capable de sortir. Avec elle, les auberges espagnoles prenaient des airs de cantines, on y venait avec assiettes et couverts, et, connaissant les loulous, elle apportait de quoi pour les oublieux, en mère poule. Elle guettait les inévitables invités d'un soir, qui prenaient souvent place, sans prévenir, à la table.
Il y eut aussi Sophie ! Arrivée avec Marie, qui finit par passer de vielle à accordéon comme on passe du coq à l'âne.
Grimpons de quelques décennies, pour rencontrer Christiane, une dame du Berry ! Elle aussi, amoureuse de vielle à roue ; d'ailleurs, dans ces coins-là, ne dit-on pas qu'on nait dans un étui de vielle ? Un phrasé extraordinaire et un émerveillement intact, si communicatif, que vous aviez, à ses mots, l'impression de redécouvrir l'instrument.
Redescendons de ce sommet de pétillement pour rencontrer un des derniers arrivés, pourtant parti : Fabien, le jeunot tout en dreadlocks et sourire ! Comme un Jean Baptiste de Léonard de Vinci, mais avec barbichette et moustache ; un genre de David à plusieurs années d'intervalles, motivé, enjoué et, privilège de la jeunesse, évoluant par amples bonds d'un Paratge à l'autre.
Il y a ceux d'aujourd'hui qui continuent l'épopée des sirènes.
Pour commencer, en ce premier jour du mois éponyme, Marie, si elle ne fût pas sur les fonds baptismaux, suit les sirènes depuis bien longtemps. Avec elle, pas de Paratge sans traversée du dessert. Après les oreilles, elle enchante nos papilles, aussi à l'aise à la roue qu'au rouleau.
Puis Max, qui lui, fut là à la première et aux suivantes, pour disparaitre, réapparaitre, disparaitre à nouveau, revenir, et ainsi par alternance. Il fait parti, avec Alain, de ceux dont les genoux portent un instrument de notre luthier fétiche, mais chuut…
Ana, l'aguerrie des étoiles, ravie un temps par un petit Pablo, nous revient, elle continue de faire monter la courbe de la présence féminine dans nos rencontres qui, il faut bien le dire, il y a dix ans, étaient loin mais alors très loin de la parité. Adepte de la voute céleste, elle en descend régulièrement pour nous rejoindre.
Restons chez les dames, avec Magdalexandrinelie, rencontre de hasard, du temps de la Calandreta, qui nous avoua son inconditionnel amour pour cet instrument hybride et venue rejoindre la troupe. Outre sa gnâque et son assiduité, elle me soulagea, avec brio, de la lourde tâche de L'Écho des sirènes.
L'affront serait d'oublier Thierry, l'homme des antipodes, le barbu de Tarascon, le self made man de la vielle, sans le sous pour en acquérir une, qu'à cela ne tienne, il s'en fabrique une et, depuis, mordu par le démon Luthifer, il ne cesse de parfaire et de produire. Bi-classé viello-luthier.
Enfin, Alain avec qui l'on passe des antipodes au voisinage. Venu lorsqu'il a vu de la lumière, notre ancien cabaretier pose sa besace régulièrement chez nous. S'esquivant presque toujours avant l'auberge espagnole, arguant d'un lièvre à la broche ou autres paupiettes de veau, à moins que ce ne soit l'arrivée d'un cousin américain. Il a raison, les troisièmes mi-temps, on ne sait jamais quand, ni comment ça finit.
Enfin, il y aussi les vieux de la vielle, les pachydermes, les antédiluviens, les grands anciens, ce qui y furent au début et qui y sont encore.
Jean-Brice, dit Jibé, qui est à Bruno ce que fut Castor à Pollux, Rémus à Romulus, Dupond à Dupont, Chapi à Chapo… co-fondateur du Paratge, il est là, inamovible pilier du premier atelier, cheville ouvrière des sirènes. Le banc de sirènes ne fut pas toujours fourni en poisscaille, mais, en poisson pilote, il est toujours à la barre.
Il y a Patrice, dit Pat', celui qui, il faut bien le dire a la plus grosse : une vielle ténor. Membre du Viellistic, incessant troubadour, roi du calembour subtil et du jeu de mollet pour jambettes. Il est là, imperturbable, alimentant de mois en mois le répertoire de l'atelier confirmé.
Cette force tranquille de la vielle ne serait rien s'il ne trainait, dans sa roue, pirouette, cacahuète, Pascal, échevelé franc-tireur, un son bizarre, un accord improbable, un coup de chien dans un jeu de quille, inutile de signer, ça l'est. À l'école du Bruno, dont il fut souvent l'aède précieux, c'est une encyclopédie du trad, qui nous régale souvent d'une historiette au coin du feu.
J'allais oublier, ceux de demain.
Noé, Gabin et Raphaël, des jeunes pousses qui, peut-être demain, perpétueront ce Paratge.
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un tâtonnement foutraque (appelé tâtÔnnement empirique, dans le grand monde), pour trouver une méthode. À l’horizontalité des formes s’ante la verticalité des expériences : allant de Jipépé en passant par Sylvia, d'une école traditionnelle "classique" à l’anarchie rabelaisienne d’un Bruno, voire à la déconstruction concertée pascalienne, en passant par l’énergie Pat’à rouesque et les goguenardises johannobriciennes. Le tout se décomposant en un, deux et/ou trois ateliers aux appellations multiples et variées. Ces compositions, décompositions, recompositions sont à peu près stabilisées en 10 ans, et c'est donc en trois mi-temps que le Paratge, désormais, se réalise.
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi des rencontres.
Quentin, tout d'abord, jeune apprenti chez Serge Durin qui, du temps de sa période agathoise, nous rejoignait avec sa cornemuse ; ou encore Mathieu, toujours dans les aérophones, qui nous rendit visite une paire de fois avec cornemuse et chalémie ; Goody et sa cabrette (qui a dit qu'il y avait une guerre entre les vielles et les cornemuses?) ; Polo et son davul ; Cécile au diato ; Chris, musicien irlandais.
Dans le cercle strictement viellistique, Fred, reprenant le chemin inverse depuis Belfort pour retrouver son Hérault natal, devenu Terre de vielles ; Joan-Peire et Juliette, de Tournicoton Electrad'Oc, venus en voisins pour un atelier de fabrication de chien — à cette occasion je devins le frère de sang de Joan-Peire, puisqu'on s'était taillé le pouce en essayant de couper du chien au cutter ; Daniel, descendu de son Albigeois avec vielle et bagage, et qui nous y invita au détours d'un festival ; Marc et sa compagne Kakin, vielleux timide et discret, mais grand amateur de vielle, nous invita par l'entremise de Pascal à venir tenir tintamarre en son jardin, le rendez-vous annuel devenant le rituel Paratge-hors-les-murs.
Le Paratge des Sirènes, ce fût aussi les attentats sonores, devenus abordages, pour des questions de cohérence piratistique et navale et de copyright. Bien nous en prit, puisque Charlie et autres carnages allaient ensanglanter les choses et rendre au mot son caractère glaçant et mortifère. Une scène, un festival, un débarquement impromptu, trois petits tour de vielle et puis s'en vont. Ce fût le couteau Paratge des Sirènes. Ce fût des stages où certains débarquaient en petit groupe. Ce fût les galettes des rois. Ce fut quelques partages de butins gastronomiques à la Casa Pepe, sous l'égide de Môssieur le Président Jean-François. Ce fût des auberges espagnoles d'anthologies, des tours de magie des fêtes de calandretas…
Je me perdais dans les rêveries évanescentes et les plaisirs de ces bons souvenirs quand, je vis apparaitre le clocher de Tourbes et le village blotti à ses pieds, me réjouissant déjà pour cette journée qui allait être un sacré anniversaire.
Merci aux luthiers, sans qui ces aventures n'auraient pas été possibles.
Pierre
En ce premier du mois de mai, je prenai donc la route vers Tourbes, y retrouver mes comparses.
Dépassant les ronds-points, où le jaune de la colère cédait momentanément le pas au blanc de l'innocence, je me repassai le film de cette décennie…
Se dire que cela fait dix ans que ça dure, c’est ouvrir la porte à une foule d’images, de sentiments, de sons, de souvenirs. Flot, fourmillement, multitude, feu d’artifice ; je me reprends, il faut s’organiser, sans quoi, tout va partir dans tous les sens. Par où commencer ?
Le Paratge des Sirènes, c’est d’abord un vœu : celui fait par deux compagnons, Bruno Priez et Jean-Brice Vietri, qui eurent l'idée de faire se rencontrer d’hypothétiques vielleux perdus dans le Grand Sud. D’aucuns auraient prédit que c’était comme péter dans l’azur, et pourtant… dix ans plus tard, nous sommes toujours là ! Pour le vielleur et pour le rire.
Horoscolophane : Taureau |
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un nom. Paratge mais qu’es aquo ? Ce mot affole les correcteurs orthographiques et les moteurs de recherches, qui nous proposent partage. Et bien soit, car c’est bien de cela qu’il s’agit, un partage autour d’un instrument peu commun, surtout sous nos latitudes méridionales. Le parage, en oïl, pendant du paratge d’oc, est pris dans le sens de : qualité d’une personne. Et c’est donc la conjugaison des qualités diverses qui donne l’émulsion ; je m’égare, revenons à ce nom. Que viennent faire les sirènes autour de ce navire ? Comme rapidement nos rencontres mensuelles se fixèrent sur le premier mercredi de chaque mois et, qu’en des temps pas si lointains, c’est en ce jour que les sirènes de France, voire de Navarre, étaient testées, nous ajoutâmes cette inspiration sonore en complément du nom. Joueurs, nous jouâmes sur les mots et ajoutâmes une pulpeuse vielleuse icthyomorphe.
Horoscolophane : Gémeaux |
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un lieu, ou plusieurs, car nous fûmes les hôtes de sept lieux ; jugez en plutôt : débutant par La Maison du Cœur de Ville d’Agde (1), nous sommes passés, toujours en la même ville, par La Galerie de la Perle Noire (2), La Maison des Métiers et du Tourisme (3), un ancien Salon de coiffure sis Rue de l’Amour — c’est pour le côté accroche-cœur (4) — et L’Atelier d’accordéon du Bruno (5). Puis, migration vers le piscénois (pourvu que la quantité soit copieuse), dans La Calandreta des Polinets (6), pour finir dans ce qui est aujourd’hui notre maison : Le Foyer rural de Tourbes (7) et son équipe de choc, liguée autour du Grand Jacques. Vous allez me dire qu’il ne faut pas pousser, mais il y a de l’Odyssée dans ce périple.
Le Paratge des Sirènes, c’est surtout des gens. Des gens qui viennent et s’en vont, des gens qui restent un temps et voguent plus loin, des gens qui s’en vont et qui reviennent (ces trucs-là sont faits de tout petits riens) et d’autres qui restent.
Horoscolophane : Cancer |
Par ordre d’apparition, il y a les parcours météoriques.
Philou, dont la présence ectoplasmique n'avait d'équivalents que ses commentaires ésotériques des premiers échos ; Marou partie chercher fortune ailleurs ; Lydie de la mesnie des Carcassès, aspirée comme tant d'autres par un diato ; Raphaël, Muriel, Nathalie, Xavier, Luc, dont l'énigmatique chiffonie n'en finissait pas d'interroger notre Bruno ; Christophe qui ne savait que faire de son cadeau d'anniversaire à roue ; Carina, du groupe Vagarem, qui me permit de rafraichir, le temps d'un Paratge, la langue de Goethe ; Raphaëlle, venue de loin, disparue et entraperçue au cour d'un stage avec Chabenat ; Yoyo, venue depuis l'Empire du Milieu en nos périphéries ; Zack le magicien, apparu, avant de disparaitre dans un étui de vielle ; Camiiiille, souvent retenue au bloc ; ou encore Flavia, dont des complications articulaires lui interdirent la fréquentation assidue de notre cercle.
J'en oublie, sans doute, mais il y en eu de mervielleux éphémères qui participèrent le temps d'une ou plusieurs sessions à la magie de nos rencontres.
Horoscolophane : Lion |
Il y a ceux d'hier qui marquèrent de leur empreinte quelques années de cette décennie.
À tout seigneur, tout honneur : Bruno, dit La Bugne ! Notre Enée agathois, l'homme aux cents histoires (la chamane sortie de l'O.T, le médium en botte de pluie, Lulu la sétoise…) et aux vertigineux souvenirs, le déconstructeur, l'adepte de la roumègue, aux coups de poignet de derrière les fagots dont il aimait à partager le secret.
Christian, le Narbonnais de l'étape ! Avec sa gouaille et son rire caractéristique.
Marine, première présence féminine ! Qui, pour mémoire, en préparait un sur la vielle à roue, venant dans ce vivier glaner auprès des anciens des infos aussi bien sur le jeu que sur l'instrument.
Jean-Pierre, notre Jipépé ! Tenant de la traditionnelle école du Morvan, le classicisme des noires forêts et des étangs du pays Eduens, dont la moustache gauloise cachait un sourire, cependant que, ses sourcils froncés et l'œil sévère, il considérait les élucubrations gasconnes de garnements de la vielle à roue. La voix grondante et timbrée nous rappelait, tel un druide, la voie ancestrale du coup de chien.
Horoscolophane : Vierge |
Sergio, le pâtre grec, à la vielle d'azur ! Qui apportait toujours une touche rock and roll à nos abordages, qui jouait de la vielle debout — c'est peut être un détail pour vous, mais pour nous ça voulait dire beaucoup !
David, un jeune (à l'époque) ! Qui, pendant quelques années, fût d'une assiduité et d'une passion communicatives, toujours motivé quand il s'agissait de vielle, ô combien de "Grunchasko", combien de coups impairs ? Parti vers d'autres horizons bretons et viellistiques.
Sylvia, la mère poule de cette grande basse cour ! À l'instar de Jean-Pierre, elle représentait, elle aussi, la tradition — pensez donc, elle avait viellé sur les genoux de Gaston Rivière ! Un peu déboussolée par les déconstructions priezienne et autres fantasqueries viellirouiste, le granit de cette auvergnate n'en fut pas pour autant entamé — seul Pascal sut débusquer la pureté du jeu de chien qu'elle était capable de sortir. Avec elle, les auberges espagnoles prenaient des airs de cantines, on y venait avec assiettes et couverts, et, connaissant les loulous, elle apportait de quoi pour les oublieux, en mère poule. Elle guettait les inévitables invités d'un soir, qui prenaient souvent place, sans prévenir, à la table.
Il y eut aussi Sophie ! Arrivée avec Marie, qui finit par passer de vielle à accordéon comme on passe du coq à l'âne.
Grimpons de quelques décennies, pour rencontrer Christiane, une dame du Berry ! Elle aussi, amoureuse de vielle à roue ; d'ailleurs, dans ces coins-là, ne dit-on pas qu'on nait dans un étui de vielle ? Un phrasé extraordinaire et un émerveillement intact, si communicatif, que vous aviez, à ses mots, l'impression de redécouvrir l'instrument.
Redescendons de ce sommet de pétillement pour rencontrer un des derniers arrivés, pourtant parti : Fabien, le jeunot tout en dreadlocks et sourire ! Comme un Jean Baptiste de Léonard de Vinci, mais avec barbichette et moustache ; un genre de David à plusieurs années d'intervalles, motivé, enjoué et, privilège de la jeunesse, évoluant par amples bonds d'un Paratge à l'autre.
Horoscolophane : Balance |
Il y a ceux d'aujourd'hui qui continuent l'épopée des sirènes.
Pour commencer, en ce premier jour du mois éponyme, Marie, si elle ne fût pas sur les fonds baptismaux, suit les sirènes depuis bien longtemps. Avec elle, pas de Paratge sans traversée du dessert. Après les oreilles, elle enchante nos papilles, aussi à l'aise à la roue qu'au rouleau.
Puis Max, qui lui, fut là à la première et aux suivantes, pour disparaitre, réapparaitre, disparaitre à nouveau, revenir, et ainsi par alternance. Il fait parti, avec Alain, de ceux dont les genoux portent un instrument de notre luthier fétiche, mais chuut…
Ana, l'aguerrie des étoiles, ravie un temps par un petit Pablo, nous revient, elle continue de faire monter la courbe de la présence féminine dans nos rencontres qui, il faut bien le dire, il y a dix ans, étaient loin mais alors très loin de la parité. Adepte de la voute céleste, elle en descend régulièrement pour nous rejoindre.
Restons chez les dames, avec Magdalexandrinelie, rencontre de hasard, du temps de la Calandreta, qui nous avoua son inconditionnel amour pour cet instrument hybride et venue rejoindre la troupe. Outre sa gnâque et son assiduité, elle me soulagea, avec brio, de la lourde tâche de L'Écho des sirènes.
L'affront serait d'oublier Thierry, l'homme des antipodes, le barbu de Tarascon, le self made man de la vielle, sans le sous pour en acquérir une, qu'à cela ne tienne, il s'en fabrique une et, depuis, mordu par le démon Luthifer, il ne cesse de parfaire et de produire. Bi-classé viello-luthier.
Enfin, Alain avec qui l'on passe des antipodes au voisinage. Venu lorsqu'il a vu de la lumière, notre ancien cabaretier pose sa besace régulièrement chez nous. S'esquivant presque toujours avant l'auberge espagnole, arguant d'un lièvre à la broche ou autres paupiettes de veau, à moins que ce ne soit l'arrivée d'un cousin américain. Il a raison, les troisièmes mi-temps, on ne sait jamais quand, ni comment ça finit.
Horoscolophane : Scorpions |
Enfin, il y aussi les vieux de la vielle, les pachydermes, les antédiluviens, les grands anciens, ce qui y furent au début et qui y sont encore.
Jean-Brice, dit Jibé, qui est à Bruno ce que fut Castor à Pollux, Rémus à Romulus, Dupond à Dupont, Chapi à Chapo… co-fondateur du Paratge, il est là, inamovible pilier du premier atelier, cheville ouvrière des sirènes. Le banc de sirènes ne fut pas toujours fourni en poisscaille, mais, en poisson pilote, il est toujours à la barre.
Il y a Patrice, dit Pat', celui qui, il faut bien le dire a la plus grosse : une vielle ténor. Membre du Viellistic, incessant troubadour, roi du calembour subtil et du jeu de mollet pour jambettes. Il est là, imperturbable, alimentant de mois en mois le répertoire de l'atelier confirmé.
Cette force tranquille de la vielle ne serait rien s'il ne trainait, dans sa roue, pirouette, cacahuète, Pascal, échevelé franc-tireur, un son bizarre, un accord improbable, un coup de chien dans un jeu de quille, inutile de signer, ça l'est. À l'école du Bruno, dont il fut souvent l'aède précieux, c'est une encyclopédie du trad, qui nous régale souvent d'une historiette au coin du feu.
Horoscolophane : Sagittaire |
J'allais oublier, ceux de demain.
Noé, Gabin et Raphaël, des jeunes pousses qui, peut-être demain, perpétueront ce Paratge.
Le Paratge des Sirènes, c’est aussi un tâtonnement foutraque (appelé tâtÔnnement empirique, dans le grand monde), pour trouver une méthode. À l’horizontalité des formes s’ante la verticalité des expériences : allant de Jipépé en passant par Sylvia, d'une école traditionnelle "classique" à l’anarchie rabelaisienne d’un Bruno, voire à la déconstruction concertée pascalienne, en passant par l’énergie Pat’à rouesque et les goguenardises johannobriciennes. Le tout se décomposant en un, deux et/ou trois ateliers aux appellations multiples et variées. Ces compositions, décompositions, recompositions sont à peu près stabilisées en 10 ans, et c'est donc en trois mi-temps que le Paratge, désormais, se réalise.
Horoscolophane : Capricorne |
Quentin, tout d'abord, jeune apprenti chez Serge Durin qui, du temps de sa période agathoise, nous rejoignait avec sa cornemuse ; ou encore Mathieu, toujours dans les aérophones, qui nous rendit visite une paire de fois avec cornemuse et chalémie ; Goody et sa cabrette (qui a dit qu'il y avait une guerre entre les vielles et les cornemuses?) ; Polo et son davul ; Cécile au diato ; Chris, musicien irlandais.
Dans le cercle strictement viellistique, Fred, reprenant le chemin inverse depuis Belfort pour retrouver son Hérault natal, devenu Terre de vielles ; Joan-Peire et Juliette, de Tournicoton Electrad'Oc, venus en voisins pour un atelier de fabrication de chien — à cette occasion je devins le frère de sang de Joan-Peire, puisqu'on s'était taillé le pouce en essayant de couper du chien au cutter ; Daniel, descendu de son Albigeois avec vielle et bagage, et qui nous y invita au détours d'un festival ; Marc et sa compagne Kakin, vielleux timide et discret, mais grand amateur de vielle, nous invita par l'entremise de Pascal à venir tenir tintamarre en son jardin, le rendez-vous annuel devenant le rituel Paratge-hors-les-murs.
Horoscolophane : Capricorne |
Le Paratge des Sirènes, ce fût aussi les attentats sonores, devenus abordages, pour des questions de cohérence piratistique et navale et de copyright. Bien nous en prit, puisque Charlie et autres carnages allaient ensanglanter les choses et rendre au mot son caractère glaçant et mortifère. Une scène, un festival, un débarquement impromptu, trois petits tour de vielle et puis s'en vont. Ce fût le couteau Paratge des Sirènes. Ce fût des stages où certains débarquaient en petit groupe. Ce fût les galettes des rois. Ce fut quelques partages de butins gastronomiques à la Casa Pepe, sous l'égide de Môssieur le Président Jean-François. Ce fût des auberges espagnoles d'anthologies, des tours de magie des fêtes de calandretas…
Je me perdais dans les rêveries évanescentes et les plaisirs de ces bons souvenirs quand, je vis apparaitre le clocher de Tourbes et le village blotti à ses pieds, me réjouissant déjà pour cette journée qui allait être un sacré anniversaire.
Horoscolophane : Poissons |
Merci aux luthiers, sans qui ces aventures n'auraient pas été possibles.
Il faut éditer tous les textes dans un livre qu'on appellera "la roue de la fortune" ben oui quoi la fortune ce n'est pas que du grizbi !
RépondreSupprimerC'est pas faux. O fortuna, de fortuna...
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