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lundi 29 avril 2013

L'Écho des Sirènes, avril 2013

© Pierre Tissot
« Un changement en prépare un autre », écrivait Machiavel, il y a cinq siècles. Et bien, même de nos jours, cela se vérifie. Pour preuve : qui aurait cru, en octobre, lorsque Sylvia nous présentait sa nouvelle Dinota, que, quelques mois après, David ferait l’acquisition d’une Mousnier, que Luc troquerait son ovni pour une Renard, et que… moi-même, j’allais aussi suivre le mouvement et sauter le pas ?
Après s’être désespérés de me voir revenir, tous les mois, avec la même vielle, mes collègues allaient enfin pouvoir se réjouir (et honte à celui  que je ne nommerai pas  qui m’a dit, un jour, que j’aurai une nouvelle vielle à la Saint Glinglin !). Même si j’ai pris un peu de temps, cette décision bien mûrie était finalement presque prévisible : « le changement, c’est maintenant ! » paraît-il !
C’est donc équipée de neuf que j’arrivais, bien en retard (pour cause de réunion pédagogique), au local.

"Réunion pédagogique" pour Marie (avec Alice) au festival Boulegan a l'ostal.
La preuve, dans les pages people de Trad'Magazine © Trad'Magazine

Et, bien que mon récent achat, tout comme le début du printemps, me portent sur le renouveau, je sentis, en poussant la porte, flotter pourtant dans l’air comme une impression de déjà vu, un souvenir d’une dernière réunion : effectivement, les pirates déjà à bord (Jean Brice, Sylvia et Gilles) bûchaient avec ferveur un branle languedocien, "Ieu sai una cançon", que Daniel Frouvelle nous avait fait découvrir en mars. Un début bien sérieux en somme.
Furent remarqués, pourtant, quelques absents, qui furent bien moins sérieux : Pierre (il s’est aperçu, au moment de partir, qu’il avait des enfants à garder à la maison), Patrice (il s’est aperçu que, finalement, il avait aussi droit à son repas à la maison), Serge (comme d’habitude, on sait plus trop la raison), Luc (physiquement absent).
Bruno arrive peu après moi, et nous entamons l’atelier déconstruction avec tout autant de motivation : une nouvelle mazurka, un rythme avec de nouveaux appuis, les choses sérieuses continuent et chacun tricote des doigts et de la manivelle comme il le peut.

On profite de l’arrivée de Pascal, pour faire une pause bien méritée. On se salue, on échange, on inspecte le nouvel instrument : quelles critiques recevra-t-il du Paratge ? Le jury s’installe : Jean Brice, docteur ès-Kerbœuf, la prend en main et peaufine minutieusement les réglages. Bruno écoute et donne sa bénédiction. Pascal s’applique à la dérégler méticuleusement (entre temps, Jean-Brice, les bras vides, s’enquiert d’une autre vielle à accorder), Gilles quitte le local. Devant cette approbation quasi générale, on procède à l’intronisation : séance photo et tout le rituel, le Paratge des Sirènes, et c’est une première, compte désormais une vielle Kerbœuf.
L’évènement clos, les convives se dispersent et on assiste alors à une formule inédite, où chacun improvise et mène son propre atelier : Sylvia, munie d’une vielle réglée au poil par Jean-Brice, nous donne une leçon de coups-de-poignet dont chacun reste pantois (c’est pas faux !), Pascal entame le deuxième chapitre de sa leçon de déréglage de vielle, sous mon œil plus que vigilant. Bruno délocalise son atelier à la Casa Pepe. Gilles propose un atelier accordéon (?? Si, si ! il a osé !).

Leçons de coups-de-poignet, par Sylvia (de face).
Sans doute les fruits de ce stage avec Philippe Mousnier et Pascal Lefeuvre © Diatou

Puis, subitement, toutes ces petites formations finissent par se mettre, comme par magie, à l’unisson, autour de l’air de "La fille à cinq deniers", chant de marins repris cette fois-ci par les pirates. Pour sûr, celui qui regrettera le plus d’avoir fait l’impasse sur cette réunion sera certainement Luc. Lui, qui agrémente chacune de nos réunions d’un petit air, entonné toujours sans préavis, qui nous permet d’entrevoir l’étendue de son talent, quel dommage d’avoir manqué ce beau moment !! Et sûrement qu’il nous a manqué, ce soir-là, car chacun y donna de la voix ou de l’accordéon pour avoir coûte-que-coûte notre chanson avant la fin de la réunion. Mais, finalement, ni l’accordéon, ni les performances vocales tentées par Jean-Brice, ne seront parvenus à égaler notre illustre absent !

Un peu désorientés par le changement d’heure et privés encore une fois de notre signal repas, on hésite un moment sur la suite à donner : continuer en chanson ? Poursuivre par les réjouissances gustatives ? Rempiler sur l’atelier confirmé ? Pour ménager le repos de nos voisins du dessus, on passe finalement à table, afin d’éviter de terminer à une heure trop tardive. Le buffet gargantuesque (c’est pas faux !), indigne d’une période de crise, est vite dressé : pizza rabinée (Patrice en avait eu vent !), tourte savoyarde, sardinade, pain, fromages, saucisson, vin, gâteau au chocolat… on ne sait plus où donner de la dent ! C’est toujours à ce moment propice à l’échauffement des esprits, que l’on échange les plus belles carabistouilles. Pour exemple, Bruno, entre une part de tourte savoyarde et un morceau de fromage, crut détenir le scoop de la soirée : Jean-Brice et Pascal ne forment pas un couple marié officiel !! Et je ne m’attarde pas sur les délires de quelques-uns autour du « C’est pas faux ! », que seul un public averti pourrait comprendre, et qui serait bien laborieux à expliquer.

Les potins people (bis) : au festival Boulegan a l'ostal, 
Jean-Brice échange sa Siorat contre… une Dinota © Sylvia

Je m’acquitte ensuite de la mission que m’a confiée Serge : distribution gratuite de CD de Cosconilha. Merci Serge ! Finalement, même absent il pense à nous ! et nous sommes même mentionnés dans une de ses chansons !! Du coup, on lui pardonne un peu d’avoir manqué les douze, dix, six, cinq dernières réunions.

Les estomacs bien calés, on reprend des sujets plus sérieux : en l’absence d’un de nos redac'chef habituel, il fallait savoir qui se collerait cette fois-ci à la rédaction de l’Écho. Devant l’enthousiasme général, fut arrêtée la décision qu’en seraient déjà exemptés ceux qui s’activaient déjà toute la journée au service de la Société ; bref, ceux pourvus d’un vrai métier. S’ensuivit alors un tour d’horizon, pour dénicher les glorieux travailleurs qui composent notre association : Serge, Pierre, qui passent leurs journées à se cultiver au musée ? Jean-Brice, qui vit de musique et de vin nouveau ? Marie, qui n’est toujours pas passée à la semaine des quatre jours et demi ? On abandonna vite cette idée, et on dut changer d’argument : c’est à celle ou celui qui apporte au Paratge un nouvel instrument de rédiger l’Écho !
La volontaire ainsi désignée, on se remet au travail avec un autre branle languedocien, "La nostra craba blanca", en vue de notre projet à Albi. Partie après partie, on mémorise, on décompose, on accélère, on ajoute le rythme… lancés comme nous sommes, on sera plus qu’au point pour septembre !
On peut dire que la réunion se termine avec autant de sérieux qu’elle a commencé, et comme la prochaine rencontre tombe le 1er mai, décision est prise qu’en l’honneur de la Fête du Travail, on travaillera d’arrache-pied, sans auberge espagnole, et ce dès 14 heures ! Reste à savoir si cette idée se concrétisera…

Marie.



Attendez, un petit réglage…
… et je suis prête ! © Jean-Brice





jeudi 18 avril 2013

Attentat viellistique contre De Gaulle

Charles de Gaulle eut adoré jouer de la vielle à roue. Ce cliché, où il est, de toute évidence, songeur en s'approchant des instrumentistes, l'atteste.
Maintenant, avec la modeste charge qui était la sienne, cela s'avéra sans doute fort contraignant. Réfléchissez un peu, donc : vous autres, vielleuses, vielleux, vous embrasseriez la carrière de Président de la République, en sus de votre office patriotique de sonneur du dimanche (du mercredi, devrions-nous dire) ? Sûrement pas. Vous voyez bien, que les deux honneurs ne sont guère compatibles, pour peu que l'on veuille, en toute responsabilité, ménager les agendas.

Le Président Charles de Gaulle, en mai 1959 © Les Gâs du Berry

Tout récemment élu, voici le fondateur de la Ve République, début mai 1959, à Châteauroux. La Société des Gâs du Berry et aultres lieux du Centre — association qui a bien plus œuvré, et œuvre encore, pour notre instrument que n'importe quel Paratge — accueille l'homme d'état, à grands renforts de fiers bourdons et d'avenantes chanterelles.
Vielles sanglées, musettes sur l'épaule, joliment coiffés, certains reconnaîtront Jacques Pelletier, Marcel Soing, Hélène Soing, Alain Descout, Danielle Nouhant, Michel Berthelot et René Massicard, dont les sourires et les yeux tendres ne voilent guère l'émotion de s'accorder sous les oreilles du Grand Charles.

Diable ! un doute nous étreint, en voyant ces vielles prêtent à mitrailler : et si, un demi-siècle avant les abordages sonores du Paratge des Sirènes (et les attentats sonores du Viellistic Orchestra), les Gâs du Berry n'avaient pas déjà inventé le terrorisme viellistique ?


Pascal.


Nota bene : le cliché est extrait du livre "Cent ans en cent illustrations", édité par la Société des Gâs du Berry, en 1988. Merci à Marc, de nous avoir ouvert ce précieux document.

vendredi 12 avril 2013

Vielle à roue optoélectronique

Alors que ce jour est tragique pour nous autres Languedociens, puisque ce 12 avril commémore le Traité de Paris signé entre saint Louis et Raymond VII comte de Toulouse, fichu papier qui cède tristement la plus belle partie du Languedoc à la France, sautons d'un pas de géant jusqu'au XXIe siècle, voire au-delà, avec un nouvel article dans la série des VTT (Vielles du Troisième Type), et cette nouvelle hérésie arrivée sur les terres royales.

Elle est blanche comme certaines vielles de Denis Siorat, sa roue est aussi joliment ajourée que celles de Philippe Mousnier, les ouïes semblent imaginées par Joël Traunecker, la manivelle pourrait être dessinée par Jacques Grandchamp, la touche électro a l'ingéniosité d'une Jean-Paul Dinota, et l'on ne peut que rester pantois devant le clavier qui emprunte à la sobriété de l'organistrum.


Parfaite combinaison d'éléments mécaniques, optiques et électroniques, cet instrument, qui paraît sortir d'un épisode de Star Trek, est une pièce-montée à part dans le catalogue des vielles à roue.
Mais, si le designer Eric Archer a sculpté un objet qui pourra se poser aisément au milieu du service en porcelaine de n'importe quel vaisselier Ikea, il faut saluer le travail sur le son, effectué par Derek Holzer, sur cette caisse à musique : c'est tellement limpide, que l'on ne dirait presque pas une vielle à roue — et nous vous laissons comprendre, en écoutant l'objet, la signification intrinsèque de cette phrase de conclusion, pas certains, nous-mêmes, que nous la pigions réellement…




Résumons-nous : il n'y a rien de plus musicalement jouissif au monde, que de jouer de la vielle à roue, n'est-ce-pas ? L'embêtant, c'est cette interminable pose des cotons, ce dosage jamais satisfaisant de la colophane, ce choix impossible entre cordes en boyau (conseillées par votre luthier), cordes synthétiques (conseillées par vos copains) et corde pour se pendre (conseillées par vos voisins).
Là, nous avons un instrument qui restitue fidèlement les sons que l'on connaît lorsque l'on effectue tous ces essais, de l'étranglement du coton autour de la corde au dérapage de la colophane sur la roue voilée. Cela, sans avoir les doigts qui pèguent.

Rien n'a été construit de plus révolutionnaire, depuis un autre 12 avril, celui de 1954 : ce jour-là, Bill Haley & the Comets enregistraient "Rock around the clock" ; le titre emblématique considéré comme la naissance du rock'n'roll…


Pascal.

mercredi 3 avril 2013

L'Écho des Sirènes, mars 2013

© Pierre Tissot
Ce n'est pas par amour du contraste mais bien par manque de temps, que l'Écho de mars est composé à froid quand le précédent le fut à chaud. Et pourtant, ce ne sont pas les anecdotes qui me font défaut, pourtant, je vais me montrer lapidaire par défaut de mémoire.

Mais commençons par le plus important. Nous avions la joie de recevoir un invité, en la personne de mestre Frouvelle, descendu de son Albigeois. Je sais, je sais, certains me diront que ça sent le fagot, et bien je m'inscris en faux, ad nauseam, l'association du cathare à l'albigeois, ça devient un produit commercial : philosophie cathare, ésotérisme cathare, pays cathare, recettes de cuisine cathares (là, fallait oser), musique cathare, gel douche cathare, croquettes pour chien cathares, le cathare marrant ou recueil de blagues hérétiques, et j'en passe, permettez-moi, lorsque j'entends Albigeois de songer à La Pérouse ou à Toulouse-Lautrec. Le premier fait thon sur thon avec notre association de pirates à roue, quant au second, peintre de lupanar, il n'aurait pas dépareillé avec les histoires grivoises dont le Pèr' Bruno nous régala tout le long de la soirée. Pensez donc, Sète, son port, ses marins, ses femmes à matelot, Lulu la goulue…

Association de pirates (p)roues à bâbord : Bruno et Pierre © Jean-Brice

C'est là, que je regrette que ma mémoire me fasse défaut, tellement notre maître d'œuvre en déconstruction nous érigea une cathédrale d'histoires de claques. Avec un tel choryphée, Don-Jibé et moi-même donnèrent du chœur à l'ouvrage. Nous étions à deux doigts de la chanson paillarde beuglée dans la brume de mer.
Mais revenons à notre invité : M. Frouvelle vous a quelque chose d'issue d'un tableau de De La Tour, néanmoins il a en bonhommie ce que son homologue pictural a en tragique.
Après lui avoir montré un petit ouvrage du premier atelier, nous lui laissâmes la barre — ou, devrais-je dire, la poignée. Bien nous en prit, puisqu'il nous fit découvrir quelques bons morceaux du Languedoc, avec pour mission de les préparer en réponse à son invitation à Albi. En-effet, notre vielleux de rencontre nous proposa de venir le rejoindre, d'ici quelques mois.

Daniel Frouvelle (Frouvielle ?) au Paratge des Sirènes © Jean-Brice

Nous mangeâmes ce que chacun avait rapporté — autrement dit que du bon —, avec de nombreuses histoires, dont la plupart de notre Homère agathois (cf. plus haut). Pour les participants, en dehors de ceux déjà cités, nous avions Gilles, avant d'aller éponger par chez lui (il faut dire, qu'il pleuvait des cordes), l'inoxydable Sylvia, Marie et sa Ch…..uuut ! et Luc, qui nous apporta sa nouvelle vielle.

Luc et sa nouvelle vielle —
 Cliché qui inspira à William Sheller le titre "Un homme heureux"
© Jean-Brice

Les deux P, ne furent pas des nôtres ; Pascal, parce qu'il ne voulait pas, comme Don Jibé, qu'on lui assène un an de plus dans le collimateur, et Patrice nous faussant viellerie.
Quoiqu'il en soit et malgré ma concision, une bien belle rencontre !


Pierre.