Rechercher dans Le Paratge des Sirènes

jeudi 30 mai 2013

Une vielle à roue double dimension

L'hiver s'éternise, même chez nous, dans nos pays privilégiés de Bas-Languedoc. Au lieu de maudire la saison et de s'ennuyer près de la cheminée, prenons exemple sur Michel Bouillot. Ce jeune retraité a profité du temps qui inspirait à demeurer chez soi, pour réaliser une vielle à roue unique.
Déjà repéré pour avoir imaginé Sisyphe et le globe terrestre, dans son jardin, ce ferronnier d'art, qui vit à St-Bonnet de Joux, dans le Morvan, vient de terminer la fabrication d'un instrument de musique que l'on aime bien. En fait, il s'agit tout simplement de la reproduction de sa vielle à roue, achetée il y a vingt-cinq ans, mais en doublant les dimensions.

Michel Bouillot et sa vielle double dimension © Jean Veniant

800 heures de travail, du 11 novembre 2012 au 11 février 2013, soit huit heures par jour (autant qu'il nous en faudrait, au Paratge, pour apprendre à jouer "Grunschansko" en chœur), en commençant le labeur à l'aube, à 5h30 (hum, pour le Paratge, ça va pas être possible, là) ! Et voilà sa vielle fétiche, avec une grande sœur de… 75 kilos !
Le hic, c'est que pour l'instant, l'œuvre refuse de sonner. Quelques petits réglages, la bonne dose de colophane et de coton, et peut-être entendrons-nous, un de ces soirs, cette vielle aux dimensions doublée musiquer au sein de l'ensemble de musique traditionnelle du Morvan de l'artiste-musicien, La R'vole…

Bonne chance et bravo à lui !


Pascal.

mercredi 22 mai 2013

Avec ma vielle sur le dos, comme un escargot

« Tout quitter, mais tout emporter
Avec ma [vielle] sur le dos
Comme un escargot
Tout quitter, mais tout emporter »

Philippe Chatel chantait cette magnifique chanson, sur l'un des albums essentiels à qui souhaite construire une discothèque exhaustive du meilleur de la chanson française.

Cela nous mène à évoquer un autre cagaraula incontournable de notre milieu musical : L'Escargot Folk ?
Ce fanzine-journal a été le lien entre les différents acteurs des musiques traditionnelles (enfin, on disait folk, à l'époque). C'était dans les années '70, autrement dit, il y a vraiment bien longtemps. Personne n'a connu cela, au Paratge — ils ont encore tous de la coquille derrière l'oreille ! Enfin si, certain(s), mais on ne vous dira pas le(s)quel(s). En même temps, c'était hier : Georges Best, qui n'avait rien de comparable avec la lenteur d'un mollusque, et dont nous fêterions ce jour d'hui le soixante-septième anniversaire s'il avait abusé de bourdons plus que de Bourbon, n'était pas encore tout à fait à la retraite.
Créé circa 1973, par Nicolas Cayla, L'Escargot Folk ? a existé pendant une dizaine d'années ; les mémorables années Giscard, en quelque sorte. Pas un journaliste n'écrivait dans ce canard, rien que des passionnés qui, entre deux bals folks et une manifestation sur le Larzac ou à Fessenheim, gribouillaient un papier avant de l'envoyer (par la poste !) à la rédaction. Il y avait déjà tout, c'était le Trad'magazine de la préhistoire : agenda, petites annonces, chroniques des disques (vinyles), tablatures, articles, et de nombreux dessins aussi rigolos et de qualité que ceux que réalisent l'ami Pierre pour notre Blog qui bourdonne. Pour le numéro de l'été 1978, Bridenne avait même peut-être déjà imaginé une sirène, jouant d'un instrument à cordes frottées, comme les vraies !


N°51 février 1978, 5 francs. Dessin de Legendre
© L'Escargot Folk ?

N°55/56 été 1978, 10 francs. Dessin de Bridenne
© L'Escargot Folk ?

N°58 octobre 1978, 7 francs. Dessin de Binet
© L'Escargot Folk ?

Pour cette fois, pour notre gentille rubrique La veuve poignée, autant appréciée des hermaphrodites, des cornemuseux, que des gens normaux, nous ne saurions mieux vous conseiller que la lecture du Dossier vielle paru dans le n°51 de feue la revue L'Escargot Folk ? Dans ce numéro, vous trouverez un pavé complet sur l'instrument. Avec son histoire, le qui, quand, comment et pourquoi, les bonnes adresses des facteurs principaux, et bien d'autres renseignements qui, même s'ils vous feront sourire quarante ans après, ne manqueront pas de vous rappeler que le vielle suscitait déjà un intérêt, une curiosité, de l'incompréhension, de l'imagination, chez ses amateurs et chez ses détracteurs.

Remercions notre parageaire et grand phytophage Jean-Brice, pour avoir retrouvé (dans un vieux coffre, au plus haut d'un grenier d'une maison ruinée de l'arrière-pays où il s'évade tantôt) ces numéros disparus. Le dossier sur la vielle est consultable lors des Paratge du mercredi. En échange d'un panier pique-nique (petit-gris, bigorneaux et caviar bienvenus) et de quelques notes bourdonnnantes, cela va de soi...


Pascal.

dimanche 12 mai 2013

La Petite Sirène et la vielle magique

Il était une fois, sur l'île d'Agde, un Royaume où vielleuses et vielleux vivaient au diapason. Enfin, au moins chaque premier mercredi du mois, à l'heure de l'auberge espagnole.

En ce fief autonome, il y a quelques semaines de cela, notre Sylvia viellante (qui a dit "vieillissante ?) faisait circuler un message ; celui de Gérard Chevriault, empereur de la vielle, dans la Nièvre, qui annonçait qu'il désirait se séparer de son bel instrument. Une magnifique vielle à roue, conçue par le sieur Bernard Kerbœuf.
Habituellement, le Blog qui bourdonne publiait ce genre d'info, dans le dessein de faire une belle et juste publicité au vendeur et de trouver un heureux musicien qui se saisirait de l'occasion en or. Mais, pour cette fois — et honte à nous si nous ne fûmes pas dans une démarche déontologiquement irréprochable, roublards tels quarante voleurs —, nous conservâmes l'annonce sous le coude, là, coincée entre la sangle en cuir confectionnée jadis par un pauvre cordonnier et le cordier en bois noble de notre propre vielle à roue.

La vielle magique de l'empereur © Gérard Chevriault

Quelques jours plus tard, au Paratge de mars exactement, le parchemin où était rédigé l'annonce fut délicatement apposé auprès de notre jeune prodige, Marie. En quête d'une vielle, nous savions qu'il n'y aurait alors plus que quelques pas à faire, pour elle, chaussée de ses bottes de sept lieues, afin de s'en aller quérir puis chérir l'instrument de ses rêves. Par le passé, nous l'avions déjà envoyée chez l'ami Jacques Grandchamp, un sage homme qui vivait au milieu de ses chats, à Toulouse, ainsi que chez les plus grands faiseurs de dentelles et chanterelles que comptaient les provinces d'Auvergne et du Berry. Mais Marie était une indécise, qui concédait à la réflexion la même importance que le Petit Poucet accordait inlassablement à la stratégie.

Rappelez-vous ; arrivée au Paratge des Sirènes, il y a une paire d'années, au mitant d'un hiver à craquer des allumettes, Marie eut droit à un bizutage terrible. En effet, méchants comme autant de clowns maléfiques, nous lui imposâmes de commencer son apprentissage avec une Chougnard®. Pas rancunière pour deux liards, forte en caractère telle la Fée Clochette, elle serra les dents, se forgea une raison, libérée de tout fatalisme ambiant, et travailla en redoublant d'énergie.
Durant de longs et interminables mois, deux fois quatre saisons complètes, elle vit même le Prince David, Pierre et son Loup, ainsi que la Reine Sylvia, revenir avec des vielles nées de leurs conquêtes avec les meilleurs facteurs du pays. Secrètement, discrètement, elle ne disait jamais rien. Pas même ne jetait un regard jaloux sur ces instruments somptueux. Ni même n'ajoutait quelque pomme empoisonnée dans les gâteaux qu'elle nous préparait lors des Paratges, histoire de se venger d'une quelconque injustice.

C'est donc par un doux lendemain de premier jour de printemps, après un sommeil d'une centaine d'années, que Marie prit la route pour Nevers ; et, plus exactement, pour Varennes-Vauzelles, petit bourg bien connu pour être le berceau musical des Tambours du Bronx, mais surtout pour ses nombreuses et mélancoliques promenades au long du… Chemin des Bourdons. Avouez qu'avec pareil endroit, il eut pareillement été difficile pour chacun d'entre nous de résister à l'appel du son ; d'autant plus, que Marie monta à la rencontre de sa promise ce vingt-troisième jour de mars, traditionnellement indiqué par les Romains pour être le dernier des Quinquatries en l'honneur de Minerve, une journée curieusement appelée Tubilustrium puisqu'elle était alors consacrée au nettoyage des trompettes sacrées. Promenade bourdonnante, époussetage des cordes trompettes, les signes ne manquaient pas : comment freiner devant autant d'incitation ? Ce nigaud de Boutès se jeta dans la mer pour moins que ça !

Pire encore, arrivée chez l'empereur Gérard Chevriault, après une seule et courte halte, vers l'heure de midi, le temps de maigrement déjeuner de quelques cuillerées puisées dans un pot de confiture glissé dans son panier d'osier, c'est un instrument tout beau, comme neuf, et sur lequel dansait un habile et très beau prince laqué au profil de chevalier cathare (transformé en papillon, par une vilaine sorcière, certes), que découvrit notre paratgeaire. Tout simplement magique ! Notre petite sirène manqua même de s'évanouir, devant l'éblouissante et merveilleuse image qui s'offrait à elle : « Euh... je suis peut-être une vraie sirène, mais pas une chochotte, hein !  ».

Le beau prince laqué, transformé en papillon par la vilaine sorcière © Gérard Chevriault

Une vielle dans la pure tradition ancestrale des luthiers Grimm et Andersen, à peine adaptée à notre époque par ledit facteur d'instruments Bernard Kerbœuf. En érable, épicéa et palissandre, avec néanmoins quatre chanterelles, trois bourdons, deux cordes trompettes (dont l'une avec un capodastre), six cordes extrêmement sympathiques, sifflantes et chantantes comme sept nains revenant du boulot. Une vielle électroacoustique, équipée de sautereaux métalliques. Une vraie vielle à roue.
Le temps de sympathiser avec Gérard Chevriault, un homme affable, stoïque comme un soldat de plomb, qui en fut jusque-là l'unique et légitime tenancier, de lui céder quelques pains d'épices, sucres d'orge et autres friandises en guise d'échange, et Marie repartait avec la vielle à roue qu'elle avait tant espérée depuis l'éternité.

Des cordes sifflantes et chantantes comme sept nains revenant du boulot © Gérard Chevriault

Des cordes trompettes, pour la Journée Tubilustrium © Gérard Chevriault

À peine était-elle revenue sur l'île d'Agde, en son Royaume harmonieux, qu'elle savait que les réglages lui prendraient dorénavant plus que la moitié de son activité journalière ; qu'elle devrait même, peut-être, abandonner son métier de petite gardeuse d'oies pour se consacrer entièrement à la musique. Qu'elle serait forcément obligée de se battre des jours entiers, parfois même des nuits entières, avec cette animale affamée, mangeuse de coton et dévoreuse de colophane.
Mais, d'ici peu, c'est tout le Paratge des Sirènes qui profiterait de son jeu enfin enrichi et brillant grâce à cette vielle magique.

Et, toutes et tous ensemble, nous pourrions à nouveau vivre éternellement heureux et nimbés par des printemps renouvelés aux doulces et célestes mélopées d'argent, qu'aucun musicien, ni de Brême, ni d'Ars, ni d'ailleurs, ne bouderait sérieusement.


Pascal.

lundi 6 mai 2013

Les Luthineries, du 10 au 13 mai 2013

Les Luthineries, le Salon des inventeurs de sons, se déroule à nouveau sur la sublime île d'Agde, les 10, 11 et 12 mai prochains.

Alors, qu'il y a deux ans, le Paratge des Sirènes y donnait un petit abordage sonore pas piqué des hannetons, il y aura, pour cette édition, du beau monde aux balcons du site des Métier d'Art. Jugez plutôt :

Jean-Claude Chapuis et son orchestre de verre, Rico Priet et ses guitares tournées dans la masse, Pierre Verraes et son EtherCaster guitare thérémine en première mondiale, Didier Cresso et ses guitares basses, Jean-Daniel Talma et ses flûtes pastorales. Mais également, l'ami cévenol et citoyen du monde Khaïm Seligmann et ses magnifiques flûtes traversières de l'Inde et du Japon, Iyad Haïmour et ses accordéons, luths orientaux et khanouns.
Sans oublier, nos facteurs de vielles chérie(e)s, Philippe Mousnier et Jacques Grandchamp. Et… pour le plaisir des cinq sens, notre facteur d'accordéons diatoniques et chromatiques préféré : Bruno Priez.




Trois jours d'exposition, avec ateliers (improvisations musicales, fabrication de cajons, etc.) et concerts (grand orgue de barbarie, orgue de crystal, harpe de pierre, orchestre de verre, etc.) au programme.

Tous les renseignements sont ici : Luthineries 2013.


Pascal.