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mercredi 27 juin 2018

L'Écho des Sirènes, juin 2018

© Pierre Tissot
Mercredi 6 juin.

Point de pâté de chat ce soir, car point d’ami Pierre non plus. Inquiets, nous nous interrogeons : le Minoutore serait-il finalement sorti vainqueur de leur combat nocturne dans le labyrinthique oppidum lors du Paratge du mois dernier ? Sans l’aide d’Ariane, Pierre aurait-il filé à l’anglaise, ou pire, serait-il encore enserré dans ses ruines d’Ensérune ? Quoi qu’il en soit, appelons un chat un chat : pas de minet au menu ce soir.
D’ailleurs, pas de pâté du tout, car Thierry est retenu par une Italienne répondant au doux nom de Sciatique.

Ça ne se bouscule donc pas dans le premier atelier aux côtés de notre émérite maître de cérémonie, j’ai nommé Jean-Brice-Castanha, qui porte tout de même trois prénoms cela dit en passant. En indéfectible premier de la classe, Alain est là dès avant l’ouverture du foyer, et Ana est venue fort heureusement rattraper quelque peu l’effectif de l’après-midi. Le trio potasse une version très locale de "Derrière chez nous" quand arrive Donominalexandrinadjiunmiliagalie, qui s’installe brièvement.

Sur ses talons, Flavia fait son entrée, et calme bien vite l’enthousiasme ambiant que suscite son arrivée : notre dernière conquête nous annonce pleine de remords dans la voix qu’elle est venue rendre sa vielle. Malgré toute son envie d’en jouer, son poignet gauche cassé il y a un an l’en empêche, et transforme ses séances de vielle en scènes de torture. Elle court aussi le risque de ne plus pouvoir jouer de la guitare, qui est son gagne-pain. Piteux et dépités, nous encaissons la nouvelle avec désarroi, avec pour seule consolation l’assurance de n’avoir pas compté dans nos rangs une adepte forcenée du masochisme. Las, nous recevons le poutou et l’accolade finale de celle qui aurait dû vieillir avec nous et qui prend une autre route, semant dans son sillage le souvenir de sourires enfantins, de chiens de un, et de yeux émerveillés au son de la vielle.

Flavia, sourire enfantin, et yeux émerveillés au son de la vielle d'Alain © D…e

Il nous faut manger ou boire quelque chose pour encaisser le coup. En l’absence de Thierry et de ses attributs œnoliques, et tel un bon homme nous offrant le consolament, Jean-Brice dégaine une fouace. Et là, un miracle s’opère : dans un élan de mimétisme créateur, soudain Ana produit exactement la même. C’est la multiplication des pains ! Un véritable mystère cathare vient de se produire aux pieds de l’église de Tourbes. Pour ne pas risquer d’attirer l’attention ni les soupçons de l’Inquisition quant à une possible hérésie au sein du Paratge*, je lève immédiatement le voile sur ces faits authentiques : le 4 octobre, Jean-Brice avait récupéré la fouace d’Ana, délaissée et intouchée, l’avait congelée chez lui, et devant l’insistance de son épouse, l’avait dégelée et rapportée au Paratge ce jour. Cette phrase constitue au demeurant un exemple éloquent du rôle de l’antécédent grammatical complet par opposition à celui de l’antécédent partiel dans la reprise d’un syntagme de possession par un pronom personnel complément. À vous de jouer !

Bonne femme et bon homme cathares multipliant les fouaces © D…e


À l’instar des fouaces, les paratgeaires commencent à se multiplier eux aussi avec l’heure qui tourne. Culminant du haut de son mètre 90 et de son prénom, Max nous revient ce mois-ci sans vielle. La sienne est en réparation chez Thierry, notre luthier-Père-Noël attitré. Mais calendrier de l’Havond oblige, Max ne la récupérera pas cette fois-ci. Sautant sur l’occasion, Jibé troque la fouace pour la farce, révélant ainsi son côté obscur en plein jour : avec le talent d’un Macron, Jean-Brice fait marcher Max en lui faisant croire que la vielle rapportée par Flavia est celle que Thierry lui rend. Et comme avec l’électorat français, ça marche ! Ça court, même ! L’air contrarié, Max se renfrogne, se met à bougonner, puis commence à râler. Juste avant que la vielle de Flavia ne passe par la fenêtre, Jibé met fin à la farce et à la fronde, et nous reprenons le cours de nos ronrons à la manivelle.

Ah, voilà d’ailleurs Marie, de son patronyme « Friedmann », ce que certains piètres linguistes traduisent à tort de l’alsacien par Marie « Et-le-dessert ». Nous reprenons l’air derrière chez nous et trouvons là un terrain d’entente pour combiner artistement les versions oïl et oc de cette bourrée à 2 temps. Sous le dressage de Marie, les vielles finissent par aboyer comme de mignons chiens croisés Berrichon Biterrois.

Il est 19 heures. The Papas arrivent sans the Mamas. Pas de "Monday, Monday" dans l’air, surtout qu’on est mercredi, ni de "California Dreaming", mais un Patrice et un Pascal qui font quand même rêver. Au moins jusqu’à ce que Patrice lance sa première remarque sur l’actualité du rugby, c’est-à-dire en moyenne 27 secondes. La première passe va toujours vers JB, qui tente l’essai ou fait une chandelle pendant que la plupart des autres paratgeaires bottent en touche. Heureusement, c’est bientôt la Coupe du Monde de Football, ce qui permet de changer de sujet.

La vielle à roue, un sport de haut niveau © D…e


Comme lors du décès de Johnny, S.A.M.M.A.N.D. est la seule à ne pas être au courant. Ne pas avoir la télé fait vraiment courir le risque de passer à côté des choses essentielles.

Or, donc, nous rassemblons nos esprits et nos talents harmonieusement complémentaires pour esquisser un "Derrière chez nous" de derrière les fagots. Marie prend les devants et des notes dans le calepin dédié au répertoire des 10 ans du Paratge.

Enfin, l’heure du pâté a sonné, mais c’est un glas. Ce soir, pas de charcutaille ni de trucs gras autour de la table. Les Gaulois se nourrissent désormais au sain et au bio. Même le dessert (de Marie est un pléonasme à proscrire ici) est dépourvu de gluten. Le comble pour des gloutons, qui se régalent à l’unanimité des petites madeleines à la farine de châtaigne, à la crème de noisette et au sésame.

Comme d’habitude, on échange longuement des nouvelles, des connaissances, des bons mots, des souvenirs et des spécialités. Comme d’habitude, on papote, on s’exclame, on rit fort et on fait tourner les plats. Comme d’habitude ça se termine par une scène de ménage soigné qui efface toute trace physique de ce qu’il s’est tramé en ces murs pendant quelques heures. Les esprits et les cœurs, eux, sont pleins. Comme d’habitude, quelques inséparables ont besoin d’un peu plus de temps pour se séparer. Comme d’habitude, on paratge.



D…e


* En français du XXIe siècle, on ne parle plus de soupçons d’hérésie par l’Inquisition mais de soupçons de « dérive sectaire » par la Miviludes.

mercredi 20 juin 2018

L'Écho des Sirènes, mai 2018

© Pierre Tissot
Mai 2018 : « sous l’épave est le Paratge », proverbe des sirènes, c’est donc avec joie que je cinglai toutes voiles dehors vers ce galion à la recherche de trésors viellistiques. Ma foi, je partai seul et ils étaient dix, selon les manivellants, ½ selon la police maritime.
Alain, Marie, Thierry, Jibé, une nouvelle de la dernière fois dont pour ne pas changer des habitudes j’ai oublié le prénom (un toc, chez moi), les pépés : Pascal & Patrice, celle qui se nomme de mille noms, Marie la reine du dessert, Max, et si ça se trouve, j’en oublie, tellement cet Écho revient de loin et a failli ne jamais revenir !

Que dire ? si ce n’est qu’une fois de plus l’ambiance était au rendez-vous, avec, en plus, l’objectif de préparer l’an prochain.
Du coup, après un travail de chien pour éviter la chienlit (autrement appelée la niche), nous travaillâmes l’organisation des morceaux, l’orchestration et autres joyeusetés ; alors, que j’étais de plain-pied dans cette atmosphère, un coup de téléphone me happait vers des obligations professionnelles dont je me serais bien passé.

Du coup, les studios, on embraie sur la chroniqueuse aux mille noms.

Pierre


Max et Alain : le Clan des Chougnards © Jean-Brice


   Pendant ce temps, côté chapelle, Thierry formait Flavia sur le maniement de sa vielle Havond, tandis que Pascal et Magalie devisaient sur la vie et la mort. Puis, par un jeu de chaises musicales, Magalie mania l’Havond avec Thierry, et Pascal accompagna Flavia dans la prise en main de l’instrument.

Enfin, comme chaque fois, arriva l’heure du banquet :

Nous sommes en 2018 après Jésus-Christ. Tous les membres du Paratge sont occupés à fêter le retour mensuel des héros languedociens de la vielle à roue autour de quelques pâtés de sanglier.
Tous ? Non ! Seul un irréductible viellix résiste à l’appel irrésistible de la cervoise et de la convivéncia. Car la vie n’est pas facile pour un Granbonomme de faction dans l’oppidum d’Ensérune à notre époque. Tiré de sa mensuelle séance de giroflexions par son telephonum gestabile, notre légionnaire des temps modernes dut voler en toute hâte à la rescousse de son museum apparemment sous le feu d’assauts ennemis. Et, une heure plus tard, tandis que ses coreligionnaires ripaillaient gaillardement sous les étoiles de leur chapelle, ils apprirent dans un grand éclat de rire que l’assaillant était un chat. Preuve que les Barbares étaient doués du sentiment d’empathie, ils ne purent s’empêcher d’imaginer l’ami Pierre passant sa soirée désespérément seul dans un dédale d’antiques couloirs obscurs.

Pas sûr que les pâtés du prochain Paratge seront au sanglier…


Domina Nomina Milia



Course à la chouquette : stratégie © Jean-Brice