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mercredi 26 février 2014

Leçon particulière de vielle, pour Dr House

Jamais la rubrique La Veuve Poignet n'aura aussi bien porté son nom.
Nous avions déjà épinglé ces coquins de Jimmy Page, Bourvil et Sting, les présidents Poher ou De Gaulle, le chien Gai-Luron, avec le plus bel instrument du monde sous leurs doigts, mais là, le ténébreux, mélomane et non moins sexy Docteur House, prenant une leçon particulière de vielle à roue à cent dollars la passe, c'est un fantasme que seul Le Paratge des Sirènes pouvait exaucer, bravant la censure du CSA (Cornemuseux et Sonneurs Associés).

Mais fi des bagatelles, soyons sérieux, please.
Nous sommes en liaison intime avec le réputé Hôpital Princeton Plainsboro ; la radiographie et l'œil jaune d'un patient attestent qu'il y a une présence vaseuse au niveau du foie malade. Le toubib misanthrope se concentre, en oublie, et sa Les Paul, et sa douleur à la jambe droite, diagnostique que i a quicòm que truca, et ordonne, illico, qu'il faut avoir recours à une chirurgie exploratoire.
Immédiatement concernée par l'idée, Emily, son assistante préférée (depuis qu'il a congédié Lisa, vous vous en souvenez), improvise en ce sens, explorant manuellement le mode le plus évocateur, allant et venant sur les touches, comme nous l'eûmes pratiquement toutes et tous fait, mais avec une blouse blanche, cependant — pourtant, c'est elle qui a raison, sans, c'est plus commode pour sangler l'instrument.

Attention ! âmes sensibles s'abstenir : si vous venez de débrayer le contrôle parental de votre bécane, si vous n'êtes pas un(e) habitué(e) de ce blog qui bourdonne, si vous faites partie du jury du concours soliste vielle à roue de St-Chartier-sur-Ars, si vous êtes vielleux au sein du groupe Coriandre, ne cliquez pas sur ce qui va suivre, et passez, directement et confiants, à la chronique technique.




Rien à redire, le rythme est là, puissant et exalté, et la mélopée s'harmonise à merveille avec le sentiment d'abandon suggéré par l'intrigue. Aucune bourrée, sûrement pas un branle, ni aucun folklore du monde entier ne sauraient traduire avec autant de volupté cette fresque instrumentale.
Il faut dire qu'Emily est une professionnelle. Qui a du chien, il est vrai. Et le Docteur House a toujours préféré les intellectuelles : il le dit lui-même, la femme idéale doit pouvoir lui apporter de l'intérêt durant les cinquante-sept minutes qui restent sur une heure de rendez-vous. Et pourtant, vielleuse, il ne pouvait plus mal tomber pour lui refiler le bourdon. Mais Gregory House, s'il est un vrai cynique, n'en demeure que davantage dur de la canne.

Merci à notre ascétique Sylvia, pour nous avoir déniché cet extrait d'anthologie, cette leçon musicale et viellistique, ce grand moment que seule la télévision — à dose homéopathique — pouvait nous apporter. Admettez : ce n'est ni à St-Chartier, ni à Ars, qu'une scène aussi émouvante eut été programmée. Pourtant, "Free Bird" (thème demandé, in fine, par House à Emily) n'est autre que la version de "La bourrée des dindes" par Lynyrd Skynyrd…*

Allez, et même si ça rend sourd… à vos manivelles !


 Pascal ~


* La vérité est quelque peu plus complexe : si, un jour, en plein concert, un spectateur (un cornemuseux !) vous demande de jouer "Free Bird", feignez de l'ignorer. 
Dr House serait cornemuseux ? Diable ! cet article nous aura, au moins, appris quelque chose…

samedi 15 février 2014

La Bête du Gévaudan : le disque

"De 1764 à 1767, sous le règne de Louis XV, la province de Gévaudan, pauvre, à la géographie dure et tourmentée, va être le théâtre d’un drame criminel faisant plus de cent victimes. Essentiellement des enfants et des jeunes femmes.
                                  
Au travers de la musique et des chansons, le disque "La bestia que manjava lo monde" propose de suivre le fil de ce fait divers à la fois terrifiant et fascinant, des premières attaques en 1764 jusqu’à la fin officielle de la Bestia en 1767.


Sorti à l'automne dernier, cet album est un itinéraire musical et chanté en langue d'oc, composé par Gaël Hemery (chant, guitare, flûte en canne, etc.), avec Henri Maquet (vièle à archet, chalumeau, guitaron), Emmanuelle Aymes (chant), Karin Chiron (voix), Liza Pannetier (piano), Mathias Autexier (zarb, daf, oudou, rik).

Et, tout au long de ces "tretze" morceaux qui illustrent cette histoire à rebrousse-poils, la vielle à roue de Pascal Jaussaud, avec l'aimable autorisation du Paratge des Sirènes.

jaussal [a] gmail.com

lundi 3 février 2014

L'Écho des Sirènes, janvier 2014

© Pierre Tissot
Voilà 2014 qui débute et le Paratge qui continue.

Ne tournons pas autour de la roue, exception faite de Patrice, excusé pour raisons personnelles, et Sergio, toujours dans les limbes, tout le monde était là pour accueillir la nouvelle année.

Il est vrai que 2013 finissant fut un peu indigent en nombre de viellants [NDLR : absences pardonnées : ils figuraient, pour la plupart, dans les crèches de France et de Provence].

Le Viellistic OrCrèchTra de Patrice © Patrice

Le vielleur cévenol de Maud © Maud

Après les vœux de circonstance, nous attaquons le premier atelier, dit aussi ouor’ kchop en bas moldave. Aux prises avec le branchement aléatoire de notre métronome et de son ampli, nous arrivâmes tant bien que mal à donner la pulsation adéquate, quoique alternative, pour pratiquer les différents exercices de coups-de-chien. Un Thierry appliqué et inspiré, une Sylvia toujours aussi inoxydable, une Marie disciplinée, et notre Gérard Klein de la vielle qui ponctuait mes plates blagounettes d’un rire complice dont il a le secret (comme la recette de ses pizze). Il vous dégage, instantanément, les nuages de l’âme.
Revenons à nos bourdons, je sortis pour vérifier que notre Lydie allait bien arriver à bon port, et pas plus tôt dehors, je la vois débarquer, essoufflée car batée d’une vielle et d’un accordéon. Présentations faites et vœux souhaités, nous pressons à nouveau les manivelles. En guise de mélodie, nous proposons une petite "Bourrée Durin" — hommage à ce luthier, quelques temps agathois —, qui a l’avantage d’être belle, ni trop compliquée, ni trop simple, et que nous fîmes tourner gaillardement.

Lydie, en pleine étude de la "Bourrée Durin"
« Du Rhin ? », demande Pascal, nostalgique de son Alsace natale © Sylvia

Le pèr’Bruno entre, talonné par le Jaussaud Pascal feu follet pétillant, marquant ainsi la fin de notre premier atelier. C’est le quart d’heure détente, Lydie sans doute inspirée par la présence du faiseur d’accordéon et de l’air irlandais que Marie tapote sur le plumier, sort son diato et nous envoie quelques reels ou jigs. Les notes soufflées aèrent un temps ce concert de notes frottées qui écorchent (selon les cornemuseux) ou ensorcèlent (selon les vielleux, qui sont le mieux placer pour en parler).
Nous optons, avec don Jibé, pour instituer un conservatoire, et pour ce qui est du nom, tournons-nous vers le passé. Vers le Ve s. av J.-C., des marins hellènes, venus de Massalia, construisirent un comptoir qu’ils baptisèrent, en moins de deux (car Troie était de l’histoire ancienne), Αγαθη Tμχη — je sais, ça pique un peu, mais ça se prononce Agatha Tychê, et ça signifie la bonne fortune. Qu’à cela ne tienne, ce sera le Conservatoire des Gâteux Toqués (le C.G.T., mais je crois que la marque est déjà déposée). Puis, fidèle à la tchache tout azimut qui caractérise le méridional, et de fait, imprègne le Paratge, un bouquet cacophonique de conversations s’enchaine. Discussion lutherie entre Bruno et Thierry, vielle entre Pascal et Lydie, blagues entre Môsieur le Directeur et don Jibé, pendant que Marie et moi enchainons deux scottisches, dont "La mominette", de Maxou, sur laquelle se superpose très bien une version d’Alban Faust.
Puis, profitant d’une pause, Sylvia entre dans la danse, et ça se crêpe le Chougnard® avec Marie [NDLR : une sombre histoire de chaussures, comme souvent entre nanas].

Une sombre histoire de chaussures © Pascal

Une histoire de chaussures sombres © Pascal

Nous continuons, ensuite, par un bon quart d’heure de déconstruction, présidé par mestre Priez. Les débutants s’accrochent avec obstination, et ils ont raison car, vierges de tous réflexes conditionnés, ils apprennent sans appréhension. Puis, Philippe Carcassés nous rend visite, et, pendant que ça parle entre lui, Bruno, le Directeur et Gilles, du stage de fabrication d’anches qui se profile, Pascal en profite pour nous apprendre une de ses nombreuses compositions : "Tretze". Nous n’étions pas trop de six à la table d’harmonie pour apprendre ce morceau, car, un treize temps, « on ne sait trop si ça porte bonheur ou malheur », dixit Vendredi. Puis, les tympans saturés de mélodies et de rythmes, nous nous attablons pour notre espagnole auberge.

"Tretze", un exercice qui en a dans la chaussette — mais laquelle ? © Sylvia

De la charcute, du vin, du crémant, du cidre, un saucisson goret poivré de Pascal, un délice cévenol à moins que ce ne soit ardéchois du compère Thierry, et la désormais incontournable pizza de Giovanni Briceotti. À ce menu, un final épiphanique, avec une double galette pour sacrer deux monarques. Cette année 2014 sera placée sous le règne d’un couple : Jehan François le Placide et Marie de Champeigne-Biterre (qui n’a rien à voir avec la biture au champagne, bande d’ivrognes !).


Avec un roi et une reine pareils, que demande le peuple ? © Sylvia

Durant le banquet, on parle. Il y est question du festival d’Anost, de la préparation d’un abordage sonore dont on taira le lieu, sinon ce n’est plus drôle, d’un bruit concernant la fin de Saint-Chartier-Ars, de la mise en place de l’atelier de fabrication de chien sur une journée. On parle aussi de photos érotiques avec vielle : hé oui. Pascal et moi évoquons Kurt Reichmann et ses superbes photos de nus avec vielle et couleurs néons, Bruno remonte plus loin dans le temps de Saint Chartier, et, avec Pascal en complément d’information, il nous raconte la présentation de la vielle érotique de Jacques Grandchamp, à Saint-Chartier, en 1986. Jibé propose un calendrier des Dieux de la vielle, pour faire pendant à ceux du stade. Il y est question d’inviter Thierry Nouat, qui a un pied à terre à Marseillan. Puis en bout de table, avec Thierry, Pascal nous initie au jardinage en trafiquant les racines grecques pour créer de nouveaux mots illustrant la peur, phobie ; ainsi, on peut, en grec exprimer la peur des mots les plus longs, celle du ridicule ou de péter à table. Tenez, je vous en propose une d’une spécialité lyonnaise qui a poussé le bouchon un peu loin : la brachikynesiophobie. À ne jamais associer à une valse.

Allez, fichez-moi le camp, canailles ! © Pascal

Nous nous quittons en slalomant entre les déjections canines qui constellent la venelle, et Pascal nous invite chaudement, vendredi 17, pour les Trad'Hivernales de Sommières. Allez-y c’est que du bon !


Pierre