Agde, Pôle des Métiers d'Art, 16h, la cloche retentit, les vacances sont finies, c'est la rentrée du Paratge. Les premiers arrivent, leur gros cartable sur le dos. Le Principal Priez annonce que, cette année, le fonctionnement des ateliers se fait à trois niveaux. Aux ateliers initiation et confirmé s'ajoute un nouveau
Ouorquechope, l'atelier "déconstruction", avec maître Priez aux manettes. La devise pour cette année : au taff tout le monde!
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Sylvia, cartable sur le dos © Jean-Brice
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En gros, tout un chacun est bienvenu dans chaque atelier, à condition qu'il puisse suivre et que, s'il ne le peut, il travaille au cours des mois pour rejoindre le peloton. Implicitement, attendre les Paratge pour se coller à la vielle n'est pas la solution pour progresser et espérer participer aux trois ateliers. Cependant, que les débutants se rassurent, ils peuvent travailler jusqu'au bout de la nuit s'ils le désirent. Sachant qu'ils n'ont un encadrement que pour le premier atelier de 16h à 18h, ensuite il y aura toujours quelqu'un pour leur donner un conseil mais il faudra qu'ils pilotent seuls.
Après cette mise-au-point, le cap donné par le cap'taine, on s'y met. Premier atelier avec des sortants et des entrants. Pour les premiers, il s'agit de David, parti taquiner du bigoudin, et Sophie qui, pour n'être plus longtemps infidèle à son accordéon, a laissé la
vielle (que j'espère vendue à l'heure où j'écris) ; pour les seconds, Gilles, vieux de la vielle paratgiste qui, après une longue absence — il avait quitté la vielle pour l'accordéon — nous revient. Décidément, ces histoires de coucheries n'en finissent pas, il semble que seul Bruno arrive à maitriser le ménage à trois avec ces instruments. En dehors du retour d'un ancien primoviellant, un vrai nouveau : Luc. Grand bonhomme, avec quelque chose de gascon dans la pose, quoique non gascon, et qui néanmoins a des airs de Cyrano. Pour les habitués, Marie est là — comme dirait Luis Mariano — et l'inoxydable Sylvia itou, qui nous rapporte des œufs de caille (pauvre caille, où est ton nid ?).
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Luc et son ovni © Jean-Brice |
Un petit rappel de ce qui a été fait l'année précédente et des attentes de ceux qui y furent concernant le travail à faire, une présentation de ce qui sera fait cette année et comment, nous voila partis viellant. Vielle saint gris ! le Luc nous sort un ovni (Objet Viellistique Non Identifié), dont il a oublié le nom du facteur et dont nos expériences communes peinent vainement à découvrir le nom. Un tour de roue. Malheureux ! ça vous vrille un tympan comme une craie sur tableau noir, l'engin… Luc, sans coton et sans colophane, se lance dans un réglage, car aucun des présents ne se sent l'âme assez "aventluthière"pour tenter le coup. Nous ne le reverrons plus que pour l'Auberge Espagnole.
Alors, que nous sommes entre gammes et coups de chien, nous recevons la visite annuelle et toujours joviale de Michèle du Morvan. Elle sort une nouvelle vielle, ce qui nous fait dire que Michèle a autant de vielles qu'un chien de puces, un Qatari d'équipes de foot (une spéciale Serge et Pascal). Le
Musée de la Vielle [NDLR : le Musée des Musiques Populaires, sis à Montluçon, possède une collection de vielles, mais un musée exclusivement consacré à l'instrument reste à créer : à Agde ?] va finir par avoir une concurrente de choc, si ça continue à ce rythme !
18h sonne, c'est l'heure du Bruno ; le voilà qui arrive. Une partie du groupe le suit, l'autre continue les exercices du premier atelier, ça tourne comme on dit en viellerie. Dans le lointain, on entend couiner la vielle à Luc, qui continue son opération à plumier ouvert. Je reste avec le premier atelier, pour aider ceux qui s'y escriment. Puis, comme je sens chez Sylvia et Michèle l'irrépressible envie de discuter du festival d'août, je laisse ces seigneuries parler de l'
Anost Unique et rejoins le deuxième atelier.
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Sylvia raconte l'Anost Unique © Jérôme |
Ils y déconstruisent dur, les gaillards. On y change les traditionnels appuis 1-3 pour du 2-4 et autres appuis moins conventionnels et plus ardus à attraper. Nous voilà partis pour une bonne salade de coups de poignets, c'est brouillon mais, pour sûr, avec du temps et de l'ouvrage, ça devrait le faire. Bruno nous assure que le jeu en vaut la chandelle et nous promet des transes schamaniques en rythme gnawas, la transmutation du vil vielleux en derviche tourneur. «
Par les c… de Dionysos ! », comme disaient les premiers Hellènes du comptoir agathois, «
nulle Phocée n'est infranchissable à qui veut » (voilà j'ai mon quota de blague France Cul).
Pascal arrive, suivi de Patrice, notre désormais cloche de la bouffe ; nous nous attablons autour d'un éclectique et goûteux repas. Luc, pour l'occasion, nous a apporté une ratatouille bio qui réjouit les papilles de ses goûteurs successifs. Rapidement, les conversations enflent, ça tchache de tout, dans tous les coins, à la vas-y-comme-je-te-pousse, à la méridionale en quelque sorte. On fait connaissance, on échange sur tout et surtout sur la vielle. Un moment solennel, nous levons nos verres à ceux partis et à la session qui vient. Gilles nous parle cotisation, Luc nous narre ses projets de jardins sur lesquels il travaille depuis de longues années, Don Jibé découvre le pot aux roses que nous lui avons concocté cet été avec Kevin Bouffard, Sylvia nous raconte ses pulsions de lutherie nomade intitulée "Vielle faire un tour dans ma caravane, tu verras, ma roue pète". J'en oublie, tant il y eut de sujets et de bruit. Cependant, Don Jibé eut droit à sa comptine du Pèr' Priez, dont il est un inconditionnel. Cette fois-ci, partie sur Reims et le champagne, l'historiette se permit un crochet par les envahisseurs iraniens qu'on appela les Alains, à défaut de pouvoir les nommer correctement en iranien (je déconne).
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Ratatouille bio et historiette sans ogm © Jean-Brice |
Une fois repus, l'atelier confirmé. Un atelier un peu éclaté au début, car on profite de conversations pour s'éclipser les uns et les autres. Ainsi, Pascal et moi filons à l'anglaise, pour rendre un culte viellant à Stappleton, dont le "The almond and the olive" nous fait fondre de plaisir. On se rassemble autour d'un nouveau morceau, une chapeloise, que nous baptisons "La Chap' à Pat'" (prononcer
Tchâpapaät, avec un accent bougro-ougrien). Ça mouline, ça sue, ça écoute, ça répète. De mon côté, je picote, besogneux, pour ne pas perdre mon triple Fa, c'est la crise. Bruno se demande comment déconstruire, Pascal pourrit les enregistrements des phrases par des accords incongrus, Don Jibé et Marie travaillent de concert, Sylvia se désespère mais se rassure en pensant à la caravane, appuyée sur sa vielle.
En fin de soirée plus qu'avancée, on sent que cette nouvelle année paratgeaire s'annonce motivée, nous nous quittons jusqu'à la prochaine.
Proverbe de septembre : "
La vielle à bois, la caravane reste". À méditer.
Pierre.
Nota bene : depuis la victoire de Montpellier au foot, nous avons perdu Sergio dans les limbes. Sergio, si tu nous entends, on t'attends !
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Les vielles de Serge et de Pascal... |
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prêtes pour la reprise du championnat
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