Il était une fois, sur l'île d'Agde, un Royaume où vielleuses et vielleux vivaient au diapason. Enfin, au moins chaque premier mercredi du mois, à l'heure de l'auberge espagnole.
En ce fief autonome, il y a quelques semaines de cela, notre Sylvia viellante (qui a dit "vieillissante ?) faisait circuler un message ; celui de Gérard Chevriault, empereur de la vielle, dans la Nièvre, qui annonçait qu'il désirait se séparer de son bel instrument. Une magnifique vielle à roue, conçue par le sieur Bernard Kerbœuf.
Habituellement, le Blog qui bourdonne publiait ce genre d'info, dans le dessein de faire une belle et juste publicité au vendeur et de trouver un heureux musicien qui se saisirait de l'occasion en or. Mais, pour cette fois — et honte à nous si nous ne fûmes pas dans une démarche déontologiquement irréprochable, roublards tels quarante voleurs —, nous conservâmes l'annonce sous le coude, là, coincée entre la sangle en cuir confectionnée jadis par un pauvre cordonnier et le cordier en bois noble de notre propre vielle à roue.
Quelques jours plus tard, au Paratge de mars exactement, le parchemin où était rédigé l'annonce fut délicatement apposé auprès de notre jeune prodige, Marie. En quête d'une vielle, nous savions qu'il n'y aurait alors plus que quelques pas à faire, pour elle, chaussée de ses bottes de sept lieues, afin de s'en aller quérir puis chérir l'instrument de ses rêves. Par le passé, nous l'avions déjà envoyée chez l'ami Jacques Grandchamp, un sage homme qui vivait au milieu de ses chats, à Toulouse, ainsi que chez les plus grands faiseurs de dentelles et chanterelles que comptaient les provinces d'Auvergne et du Berry. Mais Marie était une indécise, qui concédait à la réflexion la même importance que le Petit Poucet accordait inlassablement à la stratégie.
Rappelez-vous ; arrivée au Paratge des Sirènes, il y a une paire d'années, au mitant d'un hiver à craquer des allumettes, Marie eut droit à un bizutage terrible. En effet, méchants comme autant de clowns maléfiques, nous lui imposâmes de commencer son apprentissage avec une Chougnard®. Pas rancunière pour deux liards, forte en caractère telle la Fée Clochette, elle serra les dents, se forgea une raison, libérée de tout fatalisme ambiant, et travailla en redoublant d'énergie.
Durant de longs et interminables mois, deux fois quatre saisons complètes, elle vit même le Prince David, Pierre et son Loup, ainsi que la Reine Sylvia, revenir avec des vielles nées de leurs conquêtes avec les meilleurs facteurs du pays. Secrètement, discrètement, elle ne disait jamais rien. Pas même ne jetait un regard jaloux sur ces instruments somptueux. Ni même n'ajoutait quelque pomme empoisonnée dans les gâteaux qu'elle nous préparait lors des Paratges, histoire de se venger d'une quelconque injustice.
C'est donc par un doux lendemain de premier jour de printemps, après un sommeil d'une centaine d'années, que Marie prit la route pour Nevers ; et, plus exactement, pour Varennes-Vauzelles, petit bourg bien connu pour être le berceau musical des Tambours du Bronx, mais surtout pour ses nombreuses et mélancoliques promenades au long du… Chemin des Bourdons. Avouez qu'avec pareil endroit, il eut pareillement été difficile pour chacun d'entre nous de résister à l'appel du son ; d'autant plus, que Marie monta à la rencontre de sa promise ce vingt-troisième jour de mars, traditionnellement indiqué par les Romains pour être le dernier des Quinquatries en l'honneur de Minerve, une journée curieusement appelée Tubilustrium puisqu'elle était alors consacrée au nettoyage des trompettes sacrées. Promenade bourdonnante, époussetage des cordes trompettes, les signes ne manquaient pas : comment freiner devant autant d'incitation ? Ce nigaud de Boutès se jeta dans la mer pour moins que ça !
Pire encore, arrivée chez l'empereur Gérard Chevriault, après une seule et courte halte, vers l'heure de midi, le temps de maigrement déjeuner de quelques cuillerées puisées dans un pot de confiture glissé dans son panier d'osier, c'est un instrument tout beau, comme neuf, et sur lequel dansait un habile et très beau prince laqué au profil de chevalier cathare (transformé en papillon, par une vilaine sorcière, certes), que découvrit notre paratgeaire. Tout simplement magique ! Notre petite sirène manqua même de s'évanouir, devant l'éblouissante et merveilleuse image qui s'offrait à elle : « Euh... je suis peut-être une vraie sirène, mais pas une chochotte, hein ! ».
En ce fief autonome, il y a quelques semaines de cela, notre Sylvia viellante (qui a dit "vieillissante ?) faisait circuler un message ; celui de Gérard Chevriault, empereur de la vielle, dans la Nièvre, qui annonçait qu'il désirait se séparer de son bel instrument. Une magnifique vielle à roue, conçue par le sieur Bernard Kerbœuf.
Habituellement, le Blog qui bourdonne publiait ce genre d'info, dans le dessein de faire une belle et juste publicité au vendeur et de trouver un heureux musicien qui se saisirait de l'occasion en or. Mais, pour cette fois — et honte à nous si nous ne fûmes pas dans une démarche déontologiquement irréprochable, roublards tels quarante voleurs —, nous conservâmes l'annonce sous le coude, là, coincée entre la sangle en cuir confectionnée jadis par un pauvre cordonnier et le cordier en bois noble de notre propre vielle à roue.
La vielle magique de l'empereur © Gérard Chevriault |
Quelques jours plus tard, au Paratge de mars exactement, le parchemin où était rédigé l'annonce fut délicatement apposé auprès de notre jeune prodige, Marie. En quête d'une vielle, nous savions qu'il n'y aurait alors plus que quelques pas à faire, pour elle, chaussée de ses bottes de sept lieues, afin de s'en aller quérir puis chérir l'instrument de ses rêves. Par le passé, nous l'avions déjà envoyée chez l'ami Jacques Grandchamp, un sage homme qui vivait au milieu de ses chats, à Toulouse, ainsi que chez les plus grands faiseurs de dentelles et chanterelles que comptaient les provinces d'Auvergne et du Berry. Mais Marie était une indécise, qui concédait à la réflexion la même importance que le Petit Poucet accordait inlassablement à la stratégie.
Rappelez-vous ; arrivée au Paratge des Sirènes, il y a une paire d'années, au mitant d'un hiver à craquer des allumettes, Marie eut droit à un bizutage terrible. En effet, méchants comme autant de clowns maléfiques, nous lui imposâmes de commencer son apprentissage avec une Chougnard®. Pas rancunière pour deux liards, forte en caractère telle la Fée Clochette, elle serra les dents, se forgea une raison, libérée de tout fatalisme ambiant, et travailla en redoublant d'énergie.
Durant de longs et interminables mois, deux fois quatre saisons complètes, elle vit même le Prince David, Pierre et son Loup, ainsi que la Reine Sylvia, revenir avec des vielles nées de leurs conquêtes avec les meilleurs facteurs du pays. Secrètement, discrètement, elle ne disait jamais rien. Pas même ne jetait un regard jaloux sur ces instruments somptueux. Ni même n'ajoutait quelque pomme empoisonnée dans les gâteaux qu'elle nous préparait lors des Paratges, histoire de se venger d'une quelconque injustice.
C'est donc par un doux lendemain de premier jour de printemps, après un sommeil d'une centaine d'années, que Marie prit la route pour Nevers ; et, plus exactement, pour Varennes-Vauzelles, petit bourg bien connu pour être le berceau musical des Tambours du Bronx, mais surtout pour ses nombreuses et mélancoliques promenades au long du… Chemin des Bourdons. Avouez qu'avec pareil endroit, il eut pareillement été difficile pour chacun d'entre nous de résister à l'appel du son ; d'autant plus, que Marie monta à la rencontre de sa promise ce vingt-troisième jour de mars, traditionnellement indiqué par les Romains pour être le dernier des Quinquatries en l'honneur de Minerve, une journée curieusement appelée Tubilustrium puisqu'elle était alors consacrée au nettoyage des trompettes sacrées. Promenade bourdonnante, époussetage des cordes trompettes, les signes ne manquaient pas : comment freiner devant autant d'incitation ? Ce nigaud de Boutès se jeta dans la mer pour moins que ça !
Pire encore, arrivée chez l'empereur Gérard Chevriault, après une seule et courte halte, vers l'heure de midi, le temps de maigrement déjeuner de quelques cuillerées puisées dans un pot de confiture glissé dans son panier d'osier, c'est un instrument tout beau, comme neuf, et sur lequel dansait un habile et très beau prince laqué au profil de chevalier cathare (transformé en papillon, par une vilaine sorcière, certes), que découvrit notre paratgeaire. Tout simplement magique ! Notre petite sirène manqua même de s'évanouir, devant l'éblouissante et merveilleuse image qui s'offrait à elle : « Euh... je suis peut-être une vraie sirène, mais pas une chochotte, hein ! ».
Le beau prince laqué, transformé en papillon par la vilaine sorcière © Gérard Chevriault |
Une vielle dans la pure tradition ancestrale des luthiers Grimm et Andersen, à peine adaptée à notre époque par ledit facteur d'instruments Bernard Kerbœuf. En érable, épicéa et palissandre, avec néanmoins quatre chanterelles, trois bourdons, deux cordes trompettes (dont l'une avec un capodastre), six cordes extrêmement sympathiques, sifflantes et chantantes comme sept nains revenant du boulot. Une vielle électroacoustique, équipée de sautereaux métalliques. Une vraie vielle à roue.
Le temps de sympathiser avec Gérard Chevriault, un homme affable, stoïque comme un soldat de plomb, qui en fut jusque-là l'unique et légitime tenancier, de lui céder quelques pains d'épices, sucres d'orge et autres friandises en guise d'échange, et Marie repartait avec la vielle à roue qu'elle avait tant espérée depuis l'éternité.
Des cordes sifflantes et chantantes comme sept nains revenant du boulot © Gérard Chevriault |
Des cordes trompettes, pour la Journée Tubilustrium © Gérard Chevriault |
À peine était-elle revenue sur l'île d'Agde, en son Royaume harmonieux, qu'elle savait que les réglages lui prendraient dorénavant plus que la moitié de son activité journalière ; qu'elle devrait même, peut-être, abandonner son métier de petite gardeuse d'oies pour se consacrer entièrement à la musique. Qu'elle serait forcément obligée de se battre des jours entiers, parfois même des nuits entières, avec cette animale affamée, mangeuse de coton et dévoreuse de colophane.
Mais, d'ici peu, c'est tout le Paratge des Sirènes qui profiterait de son jeu enfin enrichi et brillant grâce à cette vielle magique.
Et, toutes et tous ensemble, nous pourrions à nouveau vivre éternellement heureux et nimbés par des printemps renouvelés aux doulces et célestes mélopées d'argent, qu'aucun musicien, ni de Brême, ni d'Ars, ni d'ailleurs, ne bouderait sérieusement.
Pascal.
Beau texte, mon cher Pascalou !
RépondreSupprimerVivement de faire connaissance avec cette beauté !!!
Salut et fraternité à l'équipage !
Philou
Superbe présentation et recherches, on ne peut que dire "chapeau bas" pour cette écriture.
RépondreSupprimerQue ces 2 nouvelles amies ne forment plus qu'une......
Longue vie à cette nouvelle vielle. et vive cette sirène fort sympathique, aimable, attentionnée et j'en passe n'en jetez plus la cour est pleine, en plus très douce...
Oui il est vrai fait de très bons gâteaux, cela serait un "sacrilège" si elle venait de sans, je me demande presque si ce ne sont pas ses délices qui font venir tous ces pirates à la recherche de ce trésor et quand y a du chocolat je ne vous dis pas.
Pour les gourmands et non gourmands venez , bien entendu, accompagné de votre vielle qui sera votre droit d'entrée et servant de laissé passer, rue de l'Amour et un petit panier garni pour l'Auberge Espagnole.