© Pierre Tissot |
Alors que je quittai l'allumeur de
réverbère, je me mis à dériver doucement dans un espace
silencieux et sombre, lorsque je perçus des cris mêlés de rires et
d'étranges grincements rappelant vaguement d'exotiques mélodies.
Je m'approchai de cette curieuse planète, avide d'en découvrir les habitants.
Je m'approchai de cette curieuse planète, avide d'en découvrir les habitants.
Ces derniers, assis en rond, conservaient sur leurs genoux
des objets insolites, qu'ils moulinaient de façon à en tirer des
sons tout à fait déconcertants. J'appris, plus tard, qu'il s'agissait
de vielles à roue et que ce singulier rituel avait lieu chaque
premier mercredi du mois pour adorer des divinités appelées aussi
sirènes. En leur honneur, je compris vaguement qu'il était question
de dominos, mais j'avoue que cette règle du jeu m'était parfaitement
inconnue.
Le jeu des sept différences © Jean-Brice
Ces gens, fort sympathiques au demeurant, m'invitèrent à partager leur collation dans une autre salle, où devait avoir lieu un second cérémonial dont le but était de reproduire un sacre royal. Alors que force plaisanteries fusaient, l'un d'eux restait concentré et solitaire, armé d'un crayon et d'un calepin.
Ayant été instruit sur ce mystérieux
objet appelé vielle à roue, ainsi que sur les luthiers qui le
fabriquaient, je m'approchai de lui et je lui demandai doucement :
« s'il te plaît dessine moi une Bleton. » Il me regarda, gêné, et
balbutia qu'il ne savait pas dessiner une telle chose. Je lui
rétorquai que je n'avais pas de chance et, à ma grande surprise, il
m'affirma qu'il ne savait pas non plus dessiner cela. Alors, dans un
brouhaha confus, j'entendis parler de gens de Noël et d'un grand
champ, toutes choses qui dépassaient mon entendement.
Lorsque je pris congé des habitants de cette planète, décidément très déconcertants, je crus entendre, en m'éloignant, que l'un d'eux expliquait à quelques retardataires, en parlant de la caisse dans laquelle il rangeait sa vielle, qu'elle était polie Esther...
Cette
adoration pour de simples objets me fascinait, et je compris que toute
ces cérémonies réinventées chaque mois étaient, pour ces gens, une
façon d'essayer de sauver leur planète... Je m'éloignai, pensif,
mais rempli de sympathie pour ces indigènes assez excentriques de
mon point de vue.
Patrice
Ex-Pat (l'auteur n'a aucun lien de
parenté avec St-Ex). Il a piloté un prototype de vielle ténor dans
la fameuse compagnie Viellistic Orchestra, puis assure
quelques missions dans la compagnie britannique Banda Europa,
et, surtout, dans le sud de la France, avec une jeune compagnie
dynamique, Le Paratge des Sirènes, qui lui permet de
surcroît de piloter sa vielle en IFR, c'est-à-dire, sans visibilité !
Ex-Pat (le plus jeune : celui qui n'a pas de cheveux gris),
ici, avec sa célèbre compagnie, au grand complet : Der Europa Viellistic Banda de Sirènes © Jean-Brice |
Je savais qu'ils existaient !
RépondreSupprimerIl est des nôôtres !
RépondreSupprimerL'a fait son article comme nous ôôtres !