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jeudi 4 janvier 2018

L'Écho des Sirènes, décembre 2017

© Pierre Tissot
2017 se clôt, pour la deuxième fois
En ce nouvel ilot à l’ombre du lieu de foi
De notre beau village par nous tous adopté
Tourbains de tout jeune âge, prodiges rapatriés
Diaspora de la vielle, secte des fous d’amour
Et de la manivelle, réunis en ce jour,
Mercredi 6 décembre…

Le reste s’écrira en prose, par manque de temps de la scribe : nous nous retrouvons donc, à la nuit tombante ou déjà tombée, dans notre nouveau foyer.
Les premiers sont toujours les premiers (Alain, Jean-Brice, Thierry), et les derniers toujours les derniers (Pascal et Patrice), contredisant en cela les propos de Jésus (Mathieu 20 : 16-26), qui, ceci dit, ne comptait pas les paratgeaires parmi ses disciples directs. La Magdaléenne d’Alexandrie ne pointe que vers 17h. L’apôtre de la vielle Pierre est là, Fabien pas encore.
Puis, et c’est de circonstance pour un paratge de Noël, la dénommée Nathalie arrive. Aaaah ! Elle est revenue, notre nouvelle recrue ! Mais on déchante vite quand elle nous apprend qu’elle ne vient pas jouer de la vielle, mais simplement se rincer l’œil et les oreilles. En effet, elle a bien réfléchi ; elle a longuement hésité entre trois instruments, et le critère retenu pour l’objet étant de pouvoir se glisser sans peine sous le siège de sa voiture, la vielle à roue a été recalée d’office au profit de la flute traversière, qui comme son nom l’indique, loge parfaitement en travers d’une assise de véhicule. Dépité, Jean-Brice insiste néanmoins pour tenter d’infléchir sa décision et de garder parmi nous une des rares vénusiennes dans ce monde de martiens. Alors, Nathalie dégaine un lot de consolation pour tenter de compenser quelque peu son abandon : un kouign amann maison, qui fera notre régal au dessert quelques heures plus tard, nous fera chanter ses louanges et nous lamenter tout à la fois.


Pieuse consolation pour Pierre © Jean-Brice

Retour au premier atelier, dont Fabien est toujours absent : nous devions potasser la "Bourrée du بومة", et Jean-Brice nous fait suer sang et eau sur le coup de chien que nous ne maîtrisons pas correctement. Il a d’ailleurs apporté un instrument de torture pour parvenir à ses fins : un métronome numérique dont les tics tacs équivalent dans nos oreilles aux gouttes d’eau sur le front du supplicié. Mais, en bourreau raffiné, JB n’accélère pas le rythme de l’engin, mais au contraire le cale sur le rythme cardiaque de la chauve-souris en hibernation. Thierry et Magalie peinent à suivre. S’il le ralentit encore, il leur faudra jouer genoux à terre. Mais la leçon atteint son objectif : à force de grimaces, le vrai et authentique chien de la bourrée à deux temps se met à aboyer avec l’accent bourbonnais sur toutes les vielles. Le rythme cardiaque reprend, c’est le printemps en décembre !
Et c’est à ce moment de grâce et de jubilation que là, en pleine nuit mais tel l’astre solaire, Fabien fait son entrée, tout de noir vêtu, et flanqué d’une paire de sneakers flambant neuves à faire pâlir d’envie Run-DMC et Jay Z. Des chausses noires pour la marche sur la lune en étant visible depuis la Terre grâce aux lacets roses recyclés d’un corset de La Pompadour. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est en retard ; en effet, Fabien a fait un aller Saint-André-de-Sangonis/Tourbes via Montpellier pour décrocher le sésame de la pompe. Plus de deux heures de bouchons, mais ça valait le détour, car il aura pour sûr les pieds bien au chaud lors de son long séjour atlantique qui va malheureusement nous priver de lui quelques mois.
À la demande du maître de cérémonie, Fabien attaque la "Bourrée du hibou" bille en tête, cadencée par un vrai lévrier bourbonnais aux abois. Lorsqu’on en a fini avec le hibou, Magalie demande le titre d’un morceau dont elle joue quelques notes sur sa vielle. Aussitôt, JB et Pierre s’enthousiasment : « Adèle Blanc-Sec ! » et s’élancent à deux roues et à deux voix dans une suite de scottishs éblouissantes.

Puis vient le temps des chaises musicales : Pierre doit aller chercher son fiston, Alain du pâté. Ils nous retrouveront plus tard.

Peu après, Maîtres Pascal et Patrice font leur entrée avec la majesté que confèrent la virtuosité et l’arrivée tardive. Ils rejoignent le cercle vertueux, qui séance tenante, entame l’intro de "Ah Que je t’aimeuh" à la vielle. Bien qu’il s’agisse bien entendu d’un hommage à notre Johnny national décédé la veille, Magalie s’illusionne quelques secondes durant lesquelles elle croit à une chaleureuse déclaration d’amour veillistique confraternelle. Ce soir-là, la seule personne de l’hexagone à ne pas savoir se trouvait au Paratge ! En plein Nadal, Johnny a ravi la vedette à l’enfant Jésus. D’ailleurs, tout le monde est tout de noir vêtu. Seules Magalie et les nouvelles baskets de Fabien arborent de joyeuses couleurs dans un court répit d’insouciance.


Paratge des Sirènes — "Ah Que je t’aimeuh" © Jean-Brice


Les paratgeaires s’essaient à plusieurs impros hallydaysiennes, puis, mettant fin aux commémorations, Patrice lance une invitation : le Paratge est convié à se produire pour un événement solidaire. On voit alors rapidement qui peut y participer, et on dresse prestement une liste des morceaux jouables, même par la catégorie « débutants ». On décide de faire entre autres le "Ballet francese" à deux voix. Le groupe se scinde, et les harmonistes migrent vers la bibliothèque. Au bout d’une trentaine de minutes, seul Thierry sort victorieux de l’entraînement des accompagnateurs, et presque tout le monde entame de concert le "Ballet francese".
Mais comme tourner une manivelle de 16 à 22h brûle des calories, nous finissons tous par aller former une longue tablée dans la chapelle du foyer, à partager le pain et les bons mots. Nous ne sommes pas douze, mais sont présents Jean (-Brice), Pierre, et la Magdaléenne, et d’autres aux prénoms moins circonstanciés : Alain, Fabien, Pascal, Patrice, et Thierry. Jamais de Judas à cette table, mais comme chaque nuit de Paratge, une belle tablée de Gaulois tonitruants davantage inspirés de Goscinny que des saintes écritures.

Bien avant l’aube, nous repassons le balai francese et laissons la chapelle à son état immaculé original, voire originel. Vient l’heure des dernières embrassades et, tels des voyageurs au long cours, nous nous promettons fiévreusement de nous retrouver l’an prochain.


La Magdaléenne d'Alexandrie

3 commentaires:

  1. Il commence à y avoir un véritable style littéraire "Paratge" comparable aux maîtres du Parnasse au XIXe.

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  2. Si le Parnasse devient la panassée, quel panar!
    Bien content que de nouvelles plumes s'ajoutent à la roue.

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  3. Point de hasard : n'est-ce point quelque panacea, qui colore le plumier de la vielle de notre Magdaléenne d'Alexandrie ?

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